sperant que les voyageuses dineraient dans
la salle commune; mais elles n'y parurent pas. On les servit dans leur
appartenant, et elles y retinrent Obernay. Je ne le revis qu'a la nuit
close.
--Je te cherche, me dit-il, pour te presenter a ces dames. On m'a charge
de t'inviter a prendre le the chez elles. C'est une petite solennite;
car, de la terrasse, nous verrons, a neuf heures, partir de la montagne
une ou plusieurs fusees qui seront, de la part de Valvedre, un avis
telegraphique dont j'ai la clef.
--Mais la cause de l'arrivee de ces dames? Je ne suis pas curieux,
pourtant je desire bien apprendre que ce n'est pas pour toi un motif de
chagrin ou de crainte.
--Non, Dieu merci! Cette cause reste mysterieuse. Paule croit que sa
belle-soeur etait reellement inquiete de Valvedre. Je ne suis pas aussi
candide; mais Alida est charmante avec moi, et je suis rassure. Viens.
Madame de Valvedre s'etait emparee du logement de son mari, qui etait
assez vaste, eu egard aux proportions du chalet. Il se composait de
trois chambres dans l'une desquelles Paule preparait le the en nous
attendant. Elle etait si peu coquette, qu'elle avait garde sa robe de
voyage toute fripee et ses cheveux denoues et en desordre sous son
chapeau de paille. C'etait peut-etre un sacrifice qu'elle avait fait a
Obernay de rester ainsi, pour ne pas perdre un seul des instants qu'ils
pouvaient passer ensemble. Pourtant je trouvai qu'elle acceptait trop
bien cet abandon de sa personne, et je pensai tout de suite qu'elle
n'etait pas assez femme pour devenir autre chose que la femme d'un
savant. J'en felicitai Obernay dans mon coeur; mais tout sentiment
d'envie ou de regret personnel fit place a une franche sympathie pour la
bonte et la raison dont sa future etait douee.
Madame de Valvedre n'etait pas la. Elle resta dans sa chambre jusqu'au
moment ou Paule frappa a la porte en lui criant que c'etait bientot
l'heure du signal. Elle sortit alors de ce sanctuaire, et je vis qu'elle
avait endosse un delicieux neglige. Ce n'etait peut-etre pas bien
conforme aux agitations d'esprit qu'elle affichait; mais, si par hasard
elle avait fait cette toilette a mon intention, pouvais-je ne pas lui en
savoir gre?
Elle m'apparut tellement differente de ce qu'elle m'avait semble sur le
sentier de la montagne, que, si je l'eusse revue ailleurs que chez elle,
j'eusse hesite a la reconnaitre. Perchee sur son mulet et drapee dans
son burnous, je l'avais imaginee grande
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