plus creuse. Un jour enfin, au matin d'une debauche folle, le
malheureux, reste seul parmi les debris du festin et les lustres qui
palissaient, s'epouvanta de l'enorme breche qu'il avait deja faite a son
lingot; il etait temps de s'arreter.
Des lors, ce fut une existence nouvelle. L'homme a la cervelle d'or s'en
alla vivre, a l'ecart, du travail de ses mains, soupconneux et craintif
comme un avare, fuyant les tentations, tachant d'oublier lui-meme ces
fatales richesses auxquelles il ne voulait plus toucher... Par malheur,
un ami l'avait suivi dans sa solitude, et cet ami connaissait son
secret.
Une nuit, le pauvre homme fut reveille en sursaut par une douleur a la
tete, une effroyable douleur; il se dressa eperdu, et vit, dans un rayon
de lune, l'ami qui fuyait en cachant quelque chose sous son manteau...
Encore un peu de cervelle qu'on lui emportait!...
A quelque temps de la, l'homme a la cervelle d'or devint amoureux, et
cette fois tout fut fini... Il aimait du meilleur de son ame une petite
femme blonde, qui l'aimait bien aussi, mais qui preferait encore les
pompons, les plumes blanches et les jolis glands mordores battant le
long des bottines.
Entre les mains de cette mignonne creature,--moitie oiseau, moitie
poupee,--les piecettes d'or fondaient que c'etait un plaisir. Elle avait
tous les caprices; et lui ne savait jamais dire non; meme, de peur de la
peiner, il lui cacha jusqu'au bout le triste secret de sa fortune.
--Nous sommes donc bien riches? disait-elle.
Le pauvre homme repondait:
--Oh! oui... bien riches!
Et il souriait avec amour au petit oiseau bleu qui lui mangeait le crane
innocemment. Quelquefois cependant la peur le prenait, il avait des
envies d'etre avare; mais alors la petite femme venait vers lui en
sautillant, et lui disait:
--Mon mari, qui etes si riche! achetez-moi quelque chose de bien
cher...
Et il lui achetait quelque chose de bien cher.
Cela dura ainsi pendant deux ans; puis, un matin, la petite femme
mourut, sans qu'on sut pourquoi, comme un oiseau... Le tresor touchait
a sa fin; avec ce qui lui en restait, le veuf fit faire a sa chere morte
un bel enterrement. Cloches a toute volee, lourds carrosses tendus de
noir, chevaux empanaches, larmes d'argent dans le velours, rien ne lui
parut trop beau. Que lui importait son or maintenant?... Il en donna
pour l'eglise, pour les porteurs, pour les revendeuses d'immortelles; il
en donna partout, sans marchander... Aussi,
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