vaient. Vous, vous me direz la verite; si
l'un de mes enfants tombait malade, je me conformerais entierement a
votre avis de revenir ou de rester. J'aurais de l'inquietude ou je
n'en aurais pas, suivant votre assertion. Vous m'epargnerez la douleur
tant que vous pourrez, je le sais. Vous ne m'abuserez pas non plus par
une aveugle confiance.
Je vous ecrirai plus au long dans quelques jours, pour vous dire ce
que je fais ici. Je m'embarque sur la mer orageuse de la litterature.
Il faut vivre. Je ne suis pas riche maintenant, mais je me porte bien,
et, quand de longues lettres de vous me parleront de votre amitie et
de mon fils, je serai gaie.
Un mot cependant avant de vous dire bonsoir. Vous m'avez mal comprise
si vous avez cru que ce serait par rapport aux _convenances, a
l'opinion_, que j'ai refuse de vous accompagner a Nimes. Les
convenances sont la regle des gens sans ame et sans vertu. L'opinion
est une prostituee qui se donne a ceux qui la payent le plus cher. Ce
n'est pas non plus pour ne pas deplaire a mon mari. Je m'explique. Ce
n'est pas a cause de l'humeur qu'il en aurait, et des reproches amers
ou mordants qui m'en reviendraient. Vous remarquez fort bien que j'ai
brave cette humeur et supporte ces reproches en beaucoup d'autres
occasions. J'ajouterai que je l'ai fait souvent pour des gens que
j'aimais bien moins que vous. Mais c'est a cause de _vous_. C'est
parce que je ne veux pas que vous deveniez un objet de mefiance et
d'aversion qu'on chercherait a eloigner. Vous pensez rester plus de
deux ans avec nous? Je ne le sais pas, mon enfant; mais je voudrais
que ce fut pour toute la vie. Or vous temoigner une preference
marquee, une estime particuliere, ce serait... Au reste, vous savez
comme cela a reussi _autrefois_ entre nous. Ils m'ont appris qu'il
fallait cacher mes plus nobles affections, comme des sentiments
coupables. Ne voulant pas les rompre, je saurai avoir a cause de vous,
mon cher Jules, des menagements que je dedaignerais s'il ne s'agissait
que de moi.
Bonsoir, cher enfant; je vous aime bien, et serai toujours votre
seconde mere. Ecrivez-moi aussitot que vous serez chez nous. Dites-moi
un peu comment ou me traite la-bas. Il est toujours bon de savoir ce
que les autres pensent de vous.
Je vous embrasse de tout mon coeur.
LV
A MADAME MAURICE DUPIN, A CHARLEVILLE
Paris, 18 janvier 1831.
Ma chere petite maman,
L'ami Pierret m'a lu ce matin le
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