a la facon du "moi transcendental" de Kant, de la
_Bewusstheit_ ou du _Bewusstsein ueberhaupt_ de nos contemporains en
Allemagne, cette conscience est toujours regardee comme possedant une
essence propre, absolument distincte de l'essence des choses
materielles, qu'elle a le don mysterieux de representer et de
connaitre. Les faits materiels, pris dans leur materialite, ne sont pas
_eprouves_, ne sont pas objets _d'experience_, ne se _rapportent_ pas.
Pour qu'ils prennent la forme du systeme dans lequel nous nous sentons
vivre, il faut qu'ils _apparaissent_, et ce fait d'apparaitre, surajoute
a leur existence brute, s'appelle la conscience que nous en avons, ou
peut-etre, selon l'hypothese panpsychiste, qu'ils ont d'eux-memes.
Voila ce dualisme invetere qu'il semble impossible de chasser de notre
vue du monde. Ce monde peut bien exister en soi, mais nous n'en savons
rien, car pour nous il est exclusivement un objet d'experience; et la
condition indispensable a cet effet, c'est qu'il soit rapporte a des
temoins, qu'il soit connu par un sujet ou par des sujets spirituels.
Objet et sujet, voila les deux jambes sans lesquelles il semble que la
philosophie ne saurait faire un pas en avant.
Toutes les ecoles sont d'accord la-dessus, scolastique, cartesianisme,
kantisme, neo-kantisme, tous admettent le dualisme fondamental. Le
positivisme ou agnosticisme de nos jours, qui se pique de relever des
sciences naturelles, se donne volontiers, il est vrai, le nom de
monisme. Mais ce n'est qu'un monisme verbal. Il pose une realite
inconnue, mais nous dit que cette realite se presente toujours sous deux
"aspects," un cote conscience et un cote matiere, et ces deux cotes
demeurent aussi irreductibles que les attributs fondamentaux, etendue et
pensee, du Dieu de Spinoza. Au fond, le monisme contemporain est du
spinozisme pur.
Or, comment se represente-t-on cette conscience dont nous sommes tous si
portes a admettre l'existence? Impossible de la definir, nous dit-on,
mais nous en avons tous une intuition immediate: tout d'abord la
conscience a conscience d'elle-meme. Demandez a la premiere personne que
vous rencontrerez, homme ou femme, psychologue ou ignorant, et elle vous
repondra qu'elle _se sent_ penser, jouir, souffrir, vouloir, tout comme
elle se sent respirer. Elle percoit directement sa vie spirituelle comme
une espece de courant interieur, actif, leger, fluide, delicat, diaphane
pour ainsi dire, et absolument oppose a quoi q
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