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a leur intersection.
Prenons, pour fixer nos idees, l'experience que nous avons a ce moment
du local ou nous sommes, de ces murailles, de cette table, de ces
chaises, de cet espace. Dans cette experience pleine, concrete et
indivise, telle qu'elle est la, donnee, le monde physique objectif et le
monde interieur et personnel de chacun de nous se rencontrent et se
fusionnent comme des lignes se fusionnent a leur intersection. Comme
chose physique, cette salle a des rapports avec tout le reste du
batiment, batiment que nous autres nous ne connaissons et ne connaitrons
pas. Elle doit son existence a toute une histoire de financiers,
d'architectes, d'ouvriers. Elle pese sur le sol; elle durera
indefiniment dans le temps; si le feu y eclatait, les chaises et la
table qu'elle contient seraient vite reduites en cendres.
Comme experience personnelle, au contraire, comme chose "rapportee,"
connue, consciente, cette salle a de tout autres tenants et
aboutissants. Ses antecedents ne sont pas des ouvriers, ce sont nos
pensees respectives de tout a l'heure. Bientot elle ne figurera que
comme un fait fugitif dans nos biographies, associe a d'agreables
souvenirs. Comme experience psychique, elle n'a aucun poids, son
ameublement n'est pas combustible. Elle n'exerce de force physique que
sur nos seuls cerveaux, et beaucoup d'entre nous nient encore cette
influence; tandis que la salle physique est en rapport d'influence
physique avec tout le reste du monde.
Et pourtant c'est de la meme salle absolument qu'il s'agit dans les deux
cas. Tant que nous ne faisons pas de physique speculative, tant que
nous nous placons dans le sens commun, c'est la salle vue et sentie qui
est bien la salle physique. De quoi parlons-nous donc si ce n'est de
_cela_, de cette meme partie de la nature materielle que tous nos
esprits, a ce meme moment, embrassent, qui entre telle quelle dans
l'experience actuelle et intime de chacun de nous, et que notre souvenir
regardera toujours comme une partie integrante de notre histoire. C'est
absolument une meme etoffe qui figure simultanement, selon le contexte
que l'on considere, comme fait materiel et physique, ou comme fait de
conscience intime.
Je crois donc qu'on ne saurait traiter conscience et matiere comme etant
d'essence disparate. On n'obtient ni l'une ni l'autre par soustraction,
en negligeant chaque fois l'autre moitie d'une experience de composition
double. Les experiences sont au contraire prim
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