de ma
main: je l'enleverais. De meme ce chapeau concu, ce chapeau en idee,
determinera tantot la direction de mes pas. J'irai le prendre. L'idee
que j'en ai se continuera jusqu'a la presence sensible du chapeau, et
s'y fondra harmonieusement.
Je conclus donc que,--bien qu'il y ait un dualisme pratique--puisque les
images se distinguent des objets, en tiennent lieu, et nous y menent, il
n'y a pas lieu de leur attribuer une difference de nature essentielle.
Pensee et actualite sont faites d'une seule et meme etoffe, qui est
l'etoffe de l'experience en general.
La psychologie de la perception exterieure nous mene a la meme
conclusion. Quand j'apercois l'objet devant moi comme une table de telle
forme, a telle distance, on m'explique que ce fait est du a deux
facteurs, a une matiere de sensation qui me penetre par la voie des yeux
et qui donne l'element d'exteriorite reelle, et a des idees qui se
reveillent, vont a la rencontre de cette realite, la classent et
l'interpretent. Mais qui peut faire la part, dans la table concretement
apercue, de ce qui est sensation et de ce qui est idee? L'externe et
l'interne, l'etendu et l'inetendu, se fusionnent et font un mariage
indissoluble. Cela rappelle ces panoramas circulaires, ou des objets
reels, rochers, herbe, chariots brises, etc., qui occupent l'avant-plan,
sont si ingenieusement relies a la toile qui fait le fond, et qui
represente une bataille ou un vaste paysage, que l'on ne sait plus
distinguer ce qui est objet de ce qui est peinture. Les coutures et les
joints sont imperceptibles.
Cela pourrait-il advenir si l'objet et l'idee etaient absolument
dissemblables de nature?
* * * * *
Je suis convaincu que des considerations pareilles a celles que je viens
d'exprimer auront deja suscite, chez vous aussi, des doutes au sujet du
dualisme pretendu.
Et d'autres raisons de douter surgissent encore. Il y a toute une sphere
d'adjectifs et d'attributs qui ne sont ni objectifs, ni subjectifs d'une
maniere exclusive, mais que nous employons tantot d'une maniere et
tantot d'une autre, comme si nous nous complaisions dans leur ambiguite.
Je parle des qualites que nous _apprecions_, pour ainsi dire, dans les
choses, leur cote esthetique, moral, leur valeur pour nous. La beaute,
par exemple, ou reside-t-elle? Est-elle dans la statue, dans la sonate,
ou dans notre esprit? Mon collegue a Harvard, George Santayana, a ecrit
un livre d'esthetique,[117]
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