mentir, ce qui, d'ailleurs, ne lui coutait
point par trop, quand il voyait par-dela le mensonge le salut de
l'Etat, ou meme purement et simplement son interet personnel.
Il ajouta donc, aux declarations deja faites par lui, que le
soldat qui venait d'apporter une lettre a M. du Vallon n'etait
autre que son messager, et que cette lettre avait pour but
d'annoncer son arrivee, a lui.
Des lors, nul ne s'opposa plus a l'entree de d'Artagnan, et
d'Artagnan entra.
Un valet voulut l'accompagner, mais il repondit qu'il etait
inutile de prendre cette peine a son endroit, attendu qu'il savait
parfaitement ou se tenait M. du Vallon.
Il n'y avait rien a repondre a un homme si completement instruit.
On laissa faire d'Artagnan.
Perrons, salons, jardins, tout fut passe en revue par le
mousquetaire. Il marcha un quart d'heure dans cette maison plus
que royale, qui comptait autant de merveilles que de meubles,
autant de serviteurs que de colonnes et de portes.
"Decidement, se dit-il, cette maison n'a d'autres limites que les
limites de la terre. Est-ce que Porthos aurait eu la fantaisie de
s'en retourner a Pierrefonds, sans sortir de chez M. Fouquet?"
Enfin, il arriva dans une partie reculee du chateau, ceinte d'un
mur de pierres de taille sur lesquelles grimpait une profusion de
plantes grasses ruisselantes de fleurs, grosses et solides comme
des fruits.
De distance en distance, sur le mur d'enceinte, s'elevaient des
statues dans des poses timides ou mysterieuses. C'etaient des
vestales cachees sous le peplum aux grands plis; des veilleurs
agiles enfermes dans leurs voiles de marbre et couvant le palais
de leurs furtifs regards.
Un Hermes, le doigt sur la bouche, une Iris aux ailes eployees,
une Nuit tout arrosee de pavots, dominaient les jardins et les
batiments qu'on entrevoyait derriere les arbres; toutes ces
statues se profilaient en blanc sur les hauts cypres, qui
dardaient leurs cimes noires vers le ciel.
Autour de ces cypres s'etaient enroules des rosiers seculaires,
qui attachaient leurs anneaux fleuris a chaque fourche des
branches et semaient sur les ramures inferieures et sur les
statues des pluies de fleurs embaumees.
Ces enchantements parurent au mousquetaire l'effort supreme de
l'esprit humain. Il etait dans une disposition d'esprit a
poetiser. L'idee que Porthos habitait un pareil Eden lui donna de
Porthos une idee plus haute, tant il est vrai que les esprits les
plus eleves ne sont point ex
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