dirige vaut toujours mieux que la famille oisive, ouverte a tous les livres, a tous les passants... -- Mais il faut leur apprendre la vie!_
_-- Non, madame. Il faut leur apprendre le devoir, l'honneur, la resignation. Croyez-vous serieusement qu'une jeune fille soit bien armee contre les epreuves de la vie parce qu'elle est renseignee comme un carabin sur certains mysteres? Nous sommes renseignes, nous autres, et cela ne nous empeche pas de faire parfois de sots mariages."_
_Et puis, ceci est la grande et profonde raison, le mariage chretien, qui est le notre jusqu'a nouvel ordre, n'est-ce pas ? est fonde sur la conception de virginite, de l'integrite absolue de l'epousee. (Le remariage est hors de cause: la femme chretienne qui se remarie est censee avoir fait l'apprentissage de ses devoirs.) Entre la conception chretienne du mariage et le type de la demi-vierge, il y a donc antinomie irreductible. Or l'education moderne des jeunes filles tend de plus en plus a developper le type demi-vierge. Il faut donc changer l'education de la jeune fille, -- cela presse ! -- ou bien le mariage chretien perira. Voila, en deux lignes, le resume de mon opinion._
_Je n'ajoute qu'un mot. Ayant raconte les moeurs d'un milieu perverti, j'affirme que j'ai fait tous mes efforts pour ne dire que ce qui me paraissait indispensable. Je m'alarmerais peu de la pudeur, ecrite ou parlee, assez inintelligente pour me quereller. "Le reproche d'immoralite, a dit Balzac, qui n'a jamais failli a l'ecrivain courageux, est le dernier qui reste a faire quand on n'a plus rien a dire a un poete. Si vous etes vrai dans vos peintures, on vous jette le mot immoral a la face. Cette manoeuvre est la honte de ceux qui l'emploient."_
Marcel Prevost.
LES DEMI-VIERGES
PREMIERE PARTIE
I
Tandis que Maud s'asseyait devant le bureau du petit salon et ecrivait vivement un telegramme bleu, sa mere, Mme de Rouvre, etendue tout pres d'elle sur une chaise longue, dans une posture ankylosee de rhumatisante, reprit son roman anglais et se mit a lire.
Le bureau -- trop bas pour la longue taille de Maud -- etait un de ces meubles en acajou fonce, bizarres et commodes, que Londres fabrique et que Paris commence a adopter. De meme, l'ameublement du petit salon et de l'autre, beaucoup plus vaste, qu'on apercevait par l'ouverture d'une grande baie, sans rideaux, portait l'empreinte de ce gout d'outre-Manche, amusant et un peu faux, ou se refugie l'elegance moderne, blasee, pour
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