a Maud, un tas de billets de banque chiffonnes ensemble.
-- Rue Royale ? demanda Maud.
-- Non. Aux Deux-Mondes, contre Aaron.
-- Contre Aaron ? tant mieux ! C'est egal, vous avez tort. Vous m'aviez promis...
Suberceaux fit un geste d'indifference.
-- Bah ! qu'importe... Je ne serai jamais plus a plat que maintenant; et il faut que je vive, n'est-ce pas ?... Puis cela m'empeche de penser.
Elle lui prit la main, souriant:
-- Qu'est-ce que vous voulez donc oublier?... Moi ?
-- Ah ! vrai, je le voudrais, replique le jeune homme en retirant brusquement sa main.
Mais aussitot:
-- Pardonnez-moi... Je suis nerveux et triste. Vous me faites tant de chagrin !
Maud l'interrogea des yeux; il reprit:
-- Vous me faites du chagrin... Vous n'etes plus a moi... Je ne vous sens plus a moi.
Sans parler, la jeune fille lui montra du regard l'endroit ou tout a l'heure ils s'etaient enlaces comme des amants; et le souvenir fit encore frissonner Julien.
-- Toujours des reproches... toujours... Je fais ce que je peux, pourtant, je vous assure.
Suberceaux, peu a peu dompte et calme, baissait la tete.
-- Il y a si longtemps, balbutia-t-il... si longtemps... que vous n'etes venue !
Il avait dit ces derniers mots tres bas, comme s'il avait peur d'etre entendu de celle meme a qui il parlait. Et de fait Maud se leva brusquement, les yeux noircis, le front plisse, son joli visage altere comme lorsque sa mere lui avait parle de l'aigrette en vieux strass.
Julien etait deja pres d'elle, et l'implorant:
-- Oh ! ne m'en veuillez pas, Maud... ! Oui, je sais que cela vous froisse, lorsque je vous en parle... mais je ne peux pas ne pas vous en parler... C'est toute ma vie, a moi, ce souvenir-la... ces deux fois. Je vous le jure, on me dirait: "Elle va revenir dans ta maison... tu l'y garderas une heure... seule avec toi, comme ce deux fois... et apres on te tuera, ont te fusillera tout de suite..." j'accepterais, je beniras ceux qui me tueraient... C'est que je vous aime, moi !
Elle demeurait accoudee a la table de la cheminee, le laissant parler. Il poursuivit, la voix entrecoupee:
-- La derniere fois surtout... la derniere fois que tu es venue... le 3 janvier... Oh! que tu es belle, Maud... il n'y a rien de pareil a toi... Il etait reste l'odeur de tes cheveux, de tes bras, sur le couvre-pied du lit ferme... Je n'ai pas voulu qu'on ouvrit ce lit et je ne m'y suis pas couche, jusqu'a ce que cette odeur fut tout partie... Et tu ne
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