mots, il avait pris un air gene, puis il etait
devenu tout rouge, puis il avait baisse les yeux et il s'etait mis a
contempler le radiateur herisse dans son coin, comme un roquet qui n'est
pas content.
Moi, je taillais un crayon. Inutile de vous dire que je cassais la mine
de seconde en seconde. J'entendais M. Jacob qui balbutiait: "Mais
monsieur, mais monsieur..." et je pensais au fond de moi-meme: "S'il
repete encore une fois son Mais monsieur... je me leve et je vais lui
administrer une gifle! Pan! La tete contre le mur!"
Je me dis toujours des choses comme ca. En realite, je suis un homme
tres calme et je ne fais presque jamais rien de ces choses que je me
dis. Vous pensez bien que je ne lui aurais pas donne de gifle. Je n'en
continuais pas moins a casser ma mine et a me salir le Bout des doigts.
M. Jacob me rappelait ces spirites qui pretendent s'entretenir avec les
ombres et qui finissent par leur communiquer une espece d'existence.
Pendant les silences qu'il menageait, on entendait une rumeur grele qui
semblait venir du bout du monde et dans laquelle, peu a peu, je
distinguais les eclats d'une voix irritee.
Tout a coup, M. Jacob se decolle de l'appareil et il depose le recepteur
a tatons, en manquant plus de dix fois le crochet avant de le
rencontrer. J'etais au comble de la fureur; mais ca ne se voyait
certainement pas. Je venais enfin de faire une bonne pointe a mon crayon
et je m'essuyais les doigts sur le fond de ma culotte, ou la mine de
plomb ne marque pas.
M. Jacob passe dans son box, ouvre des cartons, froisse des papiers et
soudain s'ecrie:
--Salavin! Venez voir un peu ici!
J'en etais sur. Je me leve et j'obeis. Je trouve M. Jacob en train de
s'arracher les poils du nez, ce qui, chez lui, est grand signe
d'inquietude. Il me dit:
--Prenez ce cahier et portez-le vous-meme a M. Sureau. Vous le trouverez
dans son cabinet, a la direction. Vous direz que je viens d'etre pris
d'indisposition.
La-dessus, il s'arrete; il regarde, en clignant de l'oeil vers la
fenetre, un grand poil qu'il venait de se tirer de la narine; il pose le
poil sur son buvard et il ajoute, en retenant une grosse envie
d'eternuer qui lui mettait des larmes plein les yeux:
--Allez Salavin, et depechez-vous!
Pour parvenir jusqu'au bureau de M. Sureau il faut traverser plusieurs
corps de batiment. En ete, quand les fenetres sont ouvertes et que les
portes baillent a la fraicheur, on apercoit toutes sortes de
compartim
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