boiements des chiens s'eloignaient ainsi
que la voix du mechant Jules: je finis par ne plus rien entendre.
Haletant, epuise, je m'arretai un instant pour boire; je mangeai
quelques feuilles de buissons; mes jambes etaient raides de froid, mais
je n'osais par sortir de l'eau, j'avais peur que les chiens ne vinssent
jusque-la et ne sentissent l'odeur de mes pas. Quand je fus un peu
repose, je recommencai a courir, suivant toujours le ruisseau, jusqu'a
ce que je fusse sorti de la foret. Je me trouvai alors dans une grande
prairie ou paissaient plus de cinquante boeufs. Je me couchai au soleil
dans un coin de l'herbage; les boeufs ne faisaient aucune attention a
moi, de sorte que je pus manger et me reposer a mon aise.
Vers le soir, deux hommes entrerent dans la prairie.
--Frere, dit le plus grand des deux, si nous rentrions les boeufs cette
nuit? On dit qu'il y a des loups dans le bois.
--Des loups? Qui est-ce qui t'a dit cette betise?
--Des gens de Laigle. On raconte que l'ane de la ferme des Haies a ete
emporte et devore dans la foret.
--Bah! laisse donc. Ils sont si mechants, les gens de cette ferme,
qu'ils auront fait mourir leur ane a force de coups.
--Et pourquoi donc qu'ils diraient que le loup l'a mange?
--Pour qu'on ne sache pas qu'ils l'ont tue.
--Tout de meme il vaudrait mieux rentrer nos boeufs.
--Fais comme tu voudras, frere; je ne tiens ni a oui ni a non.
Je ne bougeais pas dans mon coin, tant j'avais peur qu'on ne me vit.
L'herbe etait haute et me cachait, fort heureusement; les boeufs ne se
trouvaient pas du cote ou j'etais etendu; on les fit marcher vers la
barriere, et puis a la ferme ou demeuraient leurs maitres.
Je n'avais pas peur des loups, parce que l'ane dont on parlait c'etait
moi-meme, et que je n'avais pas vu la queue d'un loup dans la foret ou
j'avais passe la nuit. Je dormis donc a merveille, et je finissais mon
dejeuner quand les boeufs rentrerent dans la prairie: deux gros chiens
les menaient. Je les regardais tranquillement, lorsqu'un des chiens
m'apercut, aboya d'un air menacant, et courut vers moi; son compagnon
le suivit. Que devenir? Comment leur echapper? Je m'elancai sur les
palissades qui entouraient la prairie; le ruisseau que j'avais suivi la
traversait; je fus assez heureux pour sauter par-dessus, et j'entendis
la voix d'un des hommes de la veille qui rappelait ses chiens. Je
continuai mon chemin tout doucement, et je marchai jusqu'a une autre
foret, dont j
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