le
malheureux Charles, qui avait bu plus qu'il n'avait soif, et qui etait
trempe des pieds a la tete. Quand il est sauve, les enfants se mettent a
rire de sa mine piteuse; Charles se fache; les enfants sautent sur leurs
anes et lui conseillent en riant de rentrer a la maison pour changer
d'habits et de linge. Il remonte tout mouille sur son ane. Je riais a
part moi de sa figure ridicule. Le courant avait entraine son chapeau et
ses souliers, l'eau ruisselait jusqu'a terre; ses cheveux, trempes,
se collaient a sa figure, son air furieux achevait de le rendre
completement risible. Les enfants riaient, mes camarades sautaient et
couraient pour temoigner leur gaiete.
Je dois ajouter que l'ane de Charles etait deteste de nous tous, parce
qu'il etait querelleur, gourmand et bete, ce qui est tres rare parmi les
anes.
Enfin, Charles disparut, les enfants et mes camarades se calmerent.
Chacun me caressa et admira mon esprit; nous repartimes tous, moi en
tete de la bande.
V
LE CIMETIERE
Nous marchions au pas, et nous approchions du cimetiere du village, qui
est a une lieue du chateau. "Si nous retournions, dit Caroline, et que
nous reprenions le chemin de la foret?"
--Pourquoi cela? dit Cecile.
_Caroline:_--C'est que je n'aime pas les cimetieres.
_Cecile:_ d'un air moqueur.--Pourquoi n'aimes-tu pas les cimetieres?
Est-ce que tu as peur d'y rester?
--Non, mais je pense aux pauvres gens qui y sont enterres, et j'en suis
attristee.
Les enfants se moquerent de Caroline, et passerent expres tout contre
le mur. Ils allaient le depasser, lorsque Caroline, qui paraissait
inquiete, arreta son ane, sauta a terre, et courut a la grille du
cimetiere.
--Que fais-tu, Caroline? ou vas-tu? s'ecrierent les enfants.
Caroline ne repondit pas; elle poussa precipitamment la grille, entra
dans le cimetiere, regarda autour d'elle, et courut vers une tombe
fraichement remuee.
Ernest l'avait suivie avec inquietude, et la rejoignit au moment ou, se
baissant vers la tombe, elle relevait un pauvre petit garcon de trois
ans dont elle avait entendu les gemissements.
--Qu'as-tu, mon pauvre petit? Pourquoi pleures-tu?
L'enfant sanglotait et ne pouvait repondre; il etait tres joli et
miserablement vetu.
_Caroline:_--Comment es-tu tout seul ici, mon pauvre petit?
_L'enfant:_ sanglotant.--Ils m'ont laisse ici; j'ai faim.
_Caroline:_--Qui est-ce qui t'a laisse ici?
_L'enfant:_ sanglotant.--Les hommes noirs; j'ai fa
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