ses chagrins de tous les jours pour
soulager son coeur, et pensant que je ne pouvais la comprendre. C'est
ainsi que j'appris que sa maman etait restee de mauvaise humeur et
maussade depuis l'aventure du medaillon; que Pauline s'ennuyait et
s'attristait plus que jamais, et que la maladie dont elle souffrait
devenait tous les jours plus grave.
VIII
L'INCENDIE
Un soir que je commencais a m'endormir, je fus reveille par des cris:
_Au feu!_ Inquiet, effraye, je cherchai a me debarrasser de la courroie
qui me retenait; mais, j'eus beau tirer, me rouler a terre, la maudite
courroie ne cassait pas. J'eus enfin l'heureuse idee de la couper avec
mes dents: j'y parvins apres quelques efforts. La lueur de l'incendie
eclairait ma pauvre ecurie; les cris, le bruit augmentaient; j'entendais
les lamentations des domestiques, le craquement des murs, des planchers
qui s'ecroulaient, le ronflement des flammes; la fumee penetrait deja
dans mon ecurie, et personne ne songeait a moi; personne n'avait la
charitable pensee d'ouvrir seulement ma porte pour me faire echapper.
Les flammes augmentaient de violence; je sentais une chaleur incommode
qui commencait a me suffoquer.
"C'est fini, me dis-je, je suis condamne a bruler vif; quelle mort
affreuse! Oh! Pauline! ma chere maitresse! vous avez oublie votre pauvre
Cadichon."
A peine avais-je, non pas prononce, mais pense ces paroles, que ma porte
s'ouvrit avec violence, et j'entendis la voix terrifiee de Pauline qui
m'appelait. Heureux d'etre sauve, je m'elancai vers elle et nous allions
passer la porte, lorsqu'un craquement epouvantable nous fit reculer. Un
batiment en face de mon ecurie s'etait ecroule; ses debris bouchaient
tout passage: ma pauvre maitresse devait perir pour avoir voulu me
delivrer. La fumee, la poussiere de l'eboulement et la chaleur nous
suffoquaient. Pauline se laissa tomber pres de moi. Je pris subitement
un parti dangereux, mais qui seul pouvait nous sauver. Je saisis avec
mes dents la robe de ma petite maitresse presque evanouie, et je
m'elancai a travers les poutres enflammees qui couvraient la terre.
J'eus le bonheur de tout traverser sans que sa robe prit feu; je
m'arretai pour voir de quel cote je devais me diriger, tout brulait
autour de nous. Desespere, decourage, j'allais poser a terre Pauline
completement evanouie, lorsque j'apercus une cave ouverte; je m'y
precipitai, sachant bien que nous serions en surete dans les caves
voutees du chateau. Je
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