la troupe, et nous nous mimes en route, l'ane servant de guide aux
gendarmes. Ils n'en furent pas humilies, car ils etaient bonnes gens. On
croit que les gendarmes sont severes, mechants, c'est tout le contraire,
pas de meilleures gens, de plus charitables, de plus patients, de plus
genereux que ces bons gendarmes. Pendant toute la route ils eurent pour
moi tous les soins possibles: ralentissant le pas de leurs chevaux quand
ils me croyaient fatigue, et me proposant de boire a chaque ruisseau que
nous traversions.
Le jour commencait a baisser lorsque nous arrivames au couvent.
L'officier donna ordre de suivre tous mes mouvements et de marcher tous
ensemble. Mais, comme leurs chevaux pouvaient les gener, ils les avaient
laisses dans un village voisin de la foret. Je les menai sans hesiter a
l'entree de l'arche, pres des broussailles d'ou j'avais vu sortir les
douze voleurs. Je vis avec inquietude qu'ils restaient pres de l'entree.
Pour les eloigner, je fis quelques pas derriere le mur; ils me
suivirent. Quand ils y furent tous, je revins aux broussailles, les
empechant d'avancer quand ils voulaient me suivre. Ils me comprirent, et
resterent caches le long du mur.
Je m'approchai alors de l'entree des souterrains, et je mis a braire de
toutes les forces de mes poumons. Je ne tardai pas a obtenir ce que je
voulais. Tous mes camarades enfermes dans les caveaux me repondirent a
qui mieux mieux. Je fis un pas vers les gendarmes, qui devinerent ma
manoeuvre, et je revins me placer pres de l'entree des souterrains. Je
me remis a braire; cette fois personne ne me repondit; je devinai que
les voleurs, pour empecher mes camarades de les trahir, leur avaient
attache des pierres a la queue. Tout le monde sait que, pour braire,
nous dressons notre queue; ne pouvant pas la dresser a cause du poids de
la pierre, mes camarades se taisaient.
Je restais toujours a deux pas de l'entree, lorsque je vis une tete
d'homme sortir des broussailles et regarder avec precaution, ne voyant
que moi, il dit:
--Voila le coquin que nous n'avons pas pris ce matin. Tu vas rejoindre
tes camarades, mon braillard.
Mais, comme il allait me saisir, je m'eloignai de deux pas; il me
suivit, je m'eloignai encore, jusqu'a ce que je l'eusse amene a l'angle
du mur derriere lequel etaient mes amis les gendarmes. Avant que mon
voleur eut eu le temps de pousser un cri, ils se jeterent sur lui, le
baillonnerent, le garrotterent et l'etendirent par terre. Je me
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