grace a Mme Juivet, ... comme avait dit innocemment Madeleine.
Il faisait beau temps; on etait assis sur l'herbe devant la maison quand
nous arrivames. Pierre, Henri, Louis et Jacques avaient peche dans un
des etangs pendant que nous etions au village; ils venaient de rapporter
trois beaux poissons et beaucoup de petits. Pendant que Louis et Jacques
m'otaient mon bat et ma bride, les quatre cousines expliquerent a leurs
mamans ce qu'elles avaient achete.
--Pour combien d'argent en avez-vous? demanda la maman de Therese.
Combien te reste-t-il de tes vingt francs, Therese?
Therese fut un peu embarrassee; elle rougit legerement.
--Il ne me reste rien, maman, dit-elle.
--Vingt francs pour habiller un enfant de six a sept ans; dit la maman
de Camille; mais c'est horriblement cher. Qu'avez-vous donc achete?
Therese ne savait seulement pas ce que Madeleine et Elisabeth s'etaient
depechees d'acheter, de sorte qu'elle ne put repondre.
Mais la marchande, arrivant avec son paquet, interrompit la
conversation, a la grande joie de Madeleine et d'Elisabeth, qui
commencaient a craindre d'avoir achete des choses trop belles.
--Bonjour, madame Juivet, dit la grand'mere; defaites votre paquet ici
sur l'herbe, et faites-nous voir les emplettes de ces demoiselles.
Mme Juivet salua, posa son paquet, le defit, en tira la note, qu'elle
presenta a Madeleine, et etala ses marchandises.
Madeleine avait rougi en prenant la note; sa grand'mere la lui prit des
mains, et poussa une exclamation de surprise:
--Trente-deux francs pour habiller une petite mendiante!... Madame
Juivet, ajouta-t-elle d'un ton severe, vous avez abuse de l'ignorance
de mes petites-filles; vous savez tres bien que les etoffes que vous
apportez sont beaucoup trop belles et trop cheres pour habiller une
enfant pauvre; remportez tout cela, et sachez qu'a l'avenir aucun de
nous n'achetera rien chez vous.
--Madame, dit Mme Juivet avec une colere retenue, ces demoiselles ont
pris ce qu'elles ont voulu, je ne les ai contraintes sur aucun article.
_La grand'mere:_--Mais vous auriez du ne leur montrer que des etoffes
convenables, et ne pas chercher a leur passer vos vieilles marchandises
dont personne ne veut.
_Madame Juivet:_--Madame, ces demoiselles ayant pris les etoffes doivent
les payer.
--Elles ne payeront rien du tout, et vous allez remporter tout cela, dit
la grand'mere avec severite. Partez sur-le-champ; j'enverrai ma femme de
chambre acheter
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