le sac doivent etre pour
nous.
--Est-ce que la mere Tranchet n'a pas mis sa piece au sac de course?
--Si fait, monsieur le maire, mais....
--Quelqu'un s'y est-il oppose quand elle y a mis?
--Non, monsieur le maire, mais....
--Est-ce qu'au moment du depart vous vous y etes opposes?
--Non, monsieur le maire, mais....
--L'ane de la mere Tranchet a donc bien reellement gagne montre et sac.
--Monsieur le maire, rassemblez le conseil municipal pour juger la
question; vous n'avez pas le droit tout seul.
Le maire parut indecis; quand je vis qu'il hesitait, je saisis d'un
mouvement brusque la montre et le sac avec mes dents et je les deposai
dans les mains de la mere Tranchet, qui, inquiete, tremblante, attendait
la decision du maire.
Cette action intelligente mit les rieurs de notre cote et me valut des
tonnerres d'applaudissements.
--Voila la question tranchee par le vainqueur en faveur de la mere
Tranchet, dit le maire en riant. Messieurs du conseil municipal, allons
deliberer a table si j'etais dans mon droit en laissant faire justice
par un ane. Mes amis, ajouta-t-il malicieusement en regardant Andre et
Jeannot, je crois que le plus ane de nous n'est pas celui de la mere
Tranchet.
--Bravo! bravo! monsieur le maire, cria-t-on de tous cotes.
Et tout le monde de rire, excepte Andre et Jeannot, qui s'en allerent en
me montrant le poing.
Et moi donc, etais-je content? Non, mon orgueil se revoltait; je trouvai
que le maire avait ete insolent a mon egard en croyant injurier mes
ennemis quand il les avait qualifies d'anes. C'etait ingrat, c'etait
lache. J'avais eu du courage, de la moderation, de la patience, de
l'esprit; et voila quelle etait ma recompense! Apres m'avoir insulte, on
m'abandonnait. La mere Tranchet meme, dans sa joie d'avoir une montre et
cent trente-cinq francs, oubliait son bienfaiteur, ne pensait plus a sa
promesse de me regaler d'une bonne mesure d'avoine, et partait avec la
foule sans me donner la recompense que j'avais si bien gagnee.
X
LE BONS MAITRES
Je restai donc seul dans le pre; j'etais triste, ma queue me faisait
souffrir. Je me demandais si les anes n'etaient pas meilleurs que les
hommes, lorsque je sentis une main douce me caresser, et une voix douce
me dire:
"Pauvre ane! on a ete mechant pour toi! Viens, pauvre bete, viens chez
grand'mere; elle te fera nourrir et soigner mieux que tes mechants
maitres. Pauvre ane! comme tu es maigre!"
Je me retournai;
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