es, byzantines, musulmanes, couvraient ce
vieux sol de Macedoine ou les grands peuples du passe ont laisse leur
poussiere. De loin en loin, la silhouette aigue d'un cypres, ou un
platane immense, abritant des bergers albanais et des chevres; sur la
terre aride, de larges fleurs lilas pale, repandant une douce odeur de
chevrefeuille, sous un soleil deja brulant. Les moindres details de ce
pays sont restes dans ma memoire.
La nuit, c'etait un calme tiede, inalterable, un silence mele de bruits
de cigales, un air pur rempli de parfums d'ete; la mer immobile, le ciel
aussi brillant qu'autrefois dans mes nuits des tropiques.
Elle ne m'appartenait pas encore; mais il n'y avait plus entre nous que
des barrieres materielles, la presence de son maitre, et le grillage de
fer de ses fenetres.
Je passais ces nuits a l'attendre, a attendre ce moment, tres court
quelquefois, ou je pouvais toucher ses bras a travers les terribles
barreaux, et embrasser dans l'obscurite ses mains blanches, ornees de
bagues d'Orient.
Et puis, a certaine heure du matin, avant le jour, je pouvais, avec
mille dangers, rejoindre ma corvette par un moyen convenu avec les
officiers de garde.
XIII
Mes soirees se passaient en compagnie de Samuel. J'ai vu d'etranges
choses avec lui, dans les tavernes des bateliers; j'ai fait des etudes
de moeurs que peu de gens ont pu faire, dans les _cours des miracles_ et
les _tapis francs_ des juifs de la Turquie. Le costume que je promenais
dans ces bouges etait celui des matelots turcs, le moins compromettant
pour traverser de nuit la rade de Salonique. Samuel contrastait
singulierement avec de pareils milieux; sa belle et douce figure
rayonnait sur ces sombres repoussoirs. Peu a peu je m'attachais a lui,
et son refus de me servir aupres d'Aziyade me faisait l'estimer
davantage.
Mais j'ai vu d'etranges choses la nuit avec ce vagabond, une
prostitution etrange, dans les caves ou se consomment jusqu'a complete
ivresse le mastic et le raki ...
XIV
Une nuit tiede de juin, etendus tous deux a terre dans la campagne, nous
attendions deux heures du matin,--l'heure convenue.--Je me souviens
de cette belle nuit etoilee, ou l'on n'entendait que le faible bruit de
la mer calme. Les cypres dessinaient sur la montagne des larmes noires,
les platanes des masses obscures; de loin en loin, de vieilles bornes
seculaires marquaient la place oubliee de quelque derviche d'autrefois;
l'herbe seche, la mouss
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