un jour si, avant son mariage, elle n'avait jamais cherche a
plaire, ni desire d'etre aimee:
"Non, repondit naivement la reine. Pouvais-je aimer quelqu'un en Espagne?
Il n'y a point de roi a la cour de mon pere."
Au point de vue physique, Marie-Therese n'avait rien de remarquable. Sa
physionomie plus allemande qu'espagnole, son teint d'un blanc mat, ses
cheveux tres blonds, ses grands yeux d'un bleu pale, ses levres rouges et
pendantes, ses traits sans finesse, sa taille peu elevee, ne la rendaient
ni belle, ni laide. Elle n'avait pourtant pas manque, au moment de son
mariage, d'adulations hyperboliques et de portraits enthousiastes. Tout le
Parnasse s'etait mis en frais. On avait compose une foule de vers francais
et latins dans le genre de ceux-ci:
Therese seule a pu vaincre par ses regards
Ce superbe vainqueur qui triomphe de Mars.
_Victorem Martis praeda, spoliisque superbum
Vincere quae posset, sola Theresa fuit._
Mais cette reine, dont tant de princes avaient ambitionne la main, et dont
le mariage avait eu tant de retentissement et tant d'importance politique,
fit le silence autour d'elle des qu'elle fut installee au Louvre ou a
Saint-Germain. La timidite de son caractere, son horreur instinctive des
medisances et des calomnies si frequentes dans les cours, son eloignement
de toute intrigue, son admiration passionnee pour le roi, qu'elle croyait
beaucoup trop superieur a elle pour oser lui donner un conseil politique,
tout contribuait a la rendre etrangere aux secrets du gouvernement.
Cependant, quand Louis XIV guerroyait, il la decorait du titre de regente.
C'etait a elle qu'etaient adresses les bulletins de victoire, ce fut elle
qui recut la relation officielle du passage du Rhin. On disait alors: "Le
roi combat, la reine prie."
Au commencement de son mariage, Louis XIV la traitait non seulement avec
de grands egards, mais avec une reelle tendresse. Lorsqu'elle devint mere
du dauphin, le roi versa des larmes de joie, et, a 5 heures du matin, il
alla se confesser et communier[1].
[Note 1: Mme de Motteville, _Memoires_.]
Marie-Therese eut, en onze ans, trois fils et trois filles; elle les
perdit tous en bas age et supporta ces morts cruelles, comme ses autres
douleurs, avec une resignation admirable, tout en en ayant le coeur
dechire. Certes, c'etait un spectacle revoltant de voir les favorites du
roi faire partie de la maison de la reine et servir en apparence une femme
dont elle
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