fois deconcertes par notre
ironie continuelle."
Un tableau peint par Delutel, d'apres Mignard [1], represente la dauphine
entouree de son mari et de ses trois fils. Le dauphin, vetu d'un habit de
velours rouge, est assis pres d'une table et caresse un chien. De l'autre
cote de la table, la princesse tient sur ses genoux le petit duc de Berry
[2]. Devant elle le duc d'Anjou [3], en robe bleue, est assis sur un
coussin; le duc de Bourgogne[4], en robe rouge et portant l'ordre du
Saint-Esprit, est debout et tient une lance. Dans les airs, deux amours
soutiennent d'une main une riche draperie, et, de l'autre, repandent des
fleurs. Il y a sur les traits de la dauphine un charme de quietude et
d'apaisement. Mais le tableau, allegorique bien plus que reel, ne montre
pas la princesse sous son jour veritable. Ses chagrins, ses souffrances,
ses noirs pressentiments, y sont dissimules.
[Note 1: N deg. 2116 de la _Notice du Musee de Versailles_.]
[Note 2: Le duc de Berry, ne le 31 aout 1686.]
[Note 3: Le duc d'Anjou (le futur Philippe V, roi d'Espagne), ne le 19
decembre 1683.]
[Note 4: Le duc de Bourgogne, ne le 6 aout 1682.]
Ce n'est point la l'image fidele de la femme dont Mme de Lafayette a dit
dans ses Memoires: "Cette pauvre princesse ne voit que le pire pour elle
et ne prend aucune part aux fetes. Elle a une fort mauvaise sante et une
humeur triste qui, joint au peu de consideration qu'elle a, lui ote le
plaisir qu'une autre que la princesse de Baviere sentirait de toucher
presque a la premiere place du monde."
Loin de se rejouir de sa haute fortune, elle regrettait l'Allemagne, ou
s'etait ecoulee si modestement son enfance, et disait a une autre
Allemande, Mme la duchesse d'Orleans (la princesse Palatine): "Nous sommes
toutes les deux malheureuses; mais la difference entre nous, c'est que
vous vous etes defendue autant que vous avez pu, tandis que moi j'ai voulu
a toute force venir ici. J'ai donc merite mon malheur plus que vous."
Elle pensait, comme Massillon, que "la grandeur est un poids qui lasse",
que "tout ce qui doit passer ne peut etre grand; ce n'est qu'une
decoration de theatre; la mort finit la scene et la representation; chacun
depouille la pompe du personnage et la fiction des titres, et le souverain
comme l'esclave est rendu a son neant et a sa premiere bassesse."
La dauphine avait le pressentiment de sa fin prochaine. On voulait la
faire passer pour folle, parce qu'elle ne cessait de repeter qu'el
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