'est pas le temps de quitter le roi, il a besoin de
vous[1]."
[Note 1: Arnauld, lettre a M. de Vancel, 3 juin 1688.]
On parla un instant d'un projet de mariage entre Louis XIV et l'infante de
Portugal; mais cette rumeur ne tarda pas a etre dementie. Le roi preferait
Mme de Maintenon aux plus jeunes et aux plus brillantes princesses de
l'Europe; a peine veuf, il lui avait offert sa main.
M. Lavallee, qui a etudie avec tant de conscience la vie de Mme de
Maintenon, fixe au premier semestre de l'an 1684, mais sans toutefois
indiquer la date precise, l'epoque ou fut contracte le mariage secret. Il
fut mysterieusement celebre, dans un oratoire particulier de Versailles,
par l'archeveque de Paris, en presence du Pere de La Chaise, qui dit la
messe; de Bontemps, premier valet de chambre du roi, et de M. de
Montchevreuil, l'un des meilleurs amis de Mme de Maintenon. Saint-Simon en
parle avec horreur, comme de "l'humiliation la plus profonde, la plus
publique, la plus durable, la plus inouie"; humiliation "que la posterite
ne voudra pas croire, reservee par la fortune, pour n'oser ici nommer la
Providence, au plus superbe des rois". Tel n'etait point l'avis d'Arnauld:
"Je ne sais pas, ecrivait-il, ce qu'on peut reprendre dans ce mariage,
contracte selon les regles de l'Eglise. Il n'est humiliant qu'aux yeux des
faibles, qui regardent comme une faiblesse du roi de s'etre pu resoudre a
epouser une femme plus agee que lui et si fort au-dessous de son rang. Ce
mariage le lie d'affection avec une personne dont il estime l'esprit et la
vertu, et dans l'entretien de laquelle il trouve des plaisirs innocents
qui le delassent de ses grandes occupations[1]."
[Note 1: _Souvenirs de Mme de Caylus_.]
Mme de Maintenon semblait au comble de ses voeux; mais elle etait trop
intelligente, elle avait jete sur les problemes de la destinee humaine un
regard trop scrutateur et trop inquiet, pour ne pas etre en meme temps
saisie de tristesse. C'est elle qui ecrivait: "Avant d'etre a la cour, je
pouvais me rendre temoignage que je n'avais jamais connu l'ennui; mais
j'en ai bien tate depuis, et je crois que je n'y pourrais resister si je
ne pensais que c'est la ou Dieu me veut. Il n'y a de vrai bonheur qu'a
servir Dieu."
Cette melancolie, dont l'expression revient sans cesse dans les lettres de
Mme de Maintenon, comme un plaintif et monotone refrain, frappe d'autant
plus qu'elle est un profond enseignement. Ainsi, voila une femme qui, a
cinq
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