ont plus plaisir et deviennent indifferentes. De plus,
ce ne sont point ces choses-la qui nous peuvent rendre heureux; notre
bonheur ne peut venir que du dedans."
Dans ces discours aux demoiselles de Saint-Cyr, Mme de Maintenon
s'analysait elle-meme avec l'impartialite qu'elle mettait a juger les
qualites et les defauts de son prochain. C'etait comme un perpetuel examen
de conscience, une meditation continue, une demonstration de l'inanite, du
neant des grandeurs humaines par la femme qui en avait la connaissance la
plus approfondie.
Austeres et admirables enseignements! Mais toutes les jeunes filles
sont-elles en etat de les comprendre? Plus d'une n'est, croyons-nous, qu'a
moitie convaincue. Il en est peut-etre parmi elles qui disent qu'apres
tout Mme de Maintenon n'a pas toujours fait fi du monde; qu'elle l'a aime
au point de preferer Scarron a un couvent; qu'elle a ete, plus qu'aucune
autre femme, flattee des distinctions et des eloges; que, dans sa
jeunesse, elle ne laissait pas que d'etre fiere de ses succes dans les
brillants salons de l'hotel d'Albret ou de l'hotel de Richelieu.
Parmi les demoiselles de Saint-Cyr, il y en a probablement plus d'une que
la crainte des orages ne degoute pas de l'ocean, et qui, en depit des
sages conseils de Mme de Maintenon, revent d'en essayer et de se confier
aux flots sur une barque ornee de fleurs. Il est rare qu'on soit convaincu
par l'experience d'autrui. Ce sont nos propres deceptions, nos propres
souffrances, qui nous instruisent. Mme de Maintenon le sait bien, et
cependant elle ne se decourage pas dans ses exhortations.
"Que ne puis-je, s'ecrie-t-elle, faire voir le fond de mon coeur a toutes
les religieuses, afin qu'elles sentent tout le prix de leur vocation! Que
ne donnerais-je point pour qu'elles vissent d'aussi pres que je le vois de
quels plaisirs nous cherchons a abreger le songe de la vie!"
En recapitulant l'ensemble de sa destinee, cette femme a l'esprit si
observateur, si judicieux et si pratique, en arrive a des conclusions qui
sont toutes, pour la vertu, pour la religion, pour Dieu, et le saint
asile ou elle a marque d'avance l'emplacement de son cercueil l'affermit
dans ses pensees fortes et ses reflexions salutaires.
X
LA DUCHESSE D'ORLEANS
PRINCESSE PALATINE
Une des causes qui faisaient que Mme de Maintenon preferait Saint-Cyr
a Versailles, c'est qu'a Saint-Cyr elle se croyait aimee, tandis qu'a
Versailles, elle sentait percer, sous
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