princesse Palatine) s'exprime ainsi au sujet du
chagrin dont il fut accable lors de la mort de son fils unique, le grand
dauphin: "J'ai vu le roi hier a 11 heures; il est en proie a une telle
affliction, qu'elle attendrirait un rocher; cependant il ne se depite pas,
il parle a tout le monde avec une tristesse resignee et donne ses ordres
avec une grande fermete; mais, a tout moment, les larmes lui viennent aux
yeux, et il etouffe ses sanglots[1]."
[Note 1: Lettre du 16 avril 1711.]
Le 22 fevrier 1712, les corps de la duchesse et du duc de Bourgogne furent
portes de Versailles a Saint-Denis sur un meme chariot. Le 8 mars suivant,
le dauphin, leur fils aine, mourait aussi. Il avait cinq ans et quelques
mois. Ainsi donc, en vingt-quatre jours le pere, la mere et le fils aine
disparurent. Trois dauphins etaient morts en moins d'un an.
Ces evenements, deja horribles par eux-memes, s'assombrissaient encore par
la fausse idee generalement repandue que le poison etait la cause de fins
si prematurees. Contre toute justice, on accusait de la maniere la plus
perfide le duc d'Orleans d'etre l'auteur des crimes, et l'on essayait de
faire entrer dans l'ame de Louis XIV cet abominable soupcon. Avec la
duchesse de Bourgogne "s'eclipserent joie, plaisirs, amusements memes et
toutes especes de graces... Si la cour subsista apres elle, ce ne fut plus
que pour Languir [1]."
[Note 1: _Memoires du duc de Saint-Simon._]
Et cependant, sous le poids de tant d'epreuves, la grande ame de Louis XIV
ne faiblit pas. "Au milieu des debris lugubres de son auguste maison,
Louis demeure ferme dans la foi. Dieu souffle sur sa nombreuse posterite,
et en un instant elle etait effacee comme les caracteres traces sur le
sable. De tous les princes qui l'environnaient, et qui formaient comme la
gloire et les rayons de sa couronne, il ne reste qu'une faible etincelle,
sur le point meme alors de s'eteindre... Il adore celui qui dispose des
sceptres et des couronnes, et voit peut-etre dans ces pertes domestiques
la misericorde qui expie, et qui acheve d'effacer du livre des justices du
Seigneur ses anciennes passions etrangeres[1]."
[Note 1: Massillon, _Oraison funebre de Louis le Grand._]
La France tout entiere fut plongee dans le desespoir. "Ce temps de
desolation, dit Voltaire, laissa dans les coeurs une impression si
profonde que, pendant la minorite de Louis XV, j'ai vu plusieurs personnes
qui ne parlaient de ces pertes qu'en versant des larmes
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