[2]."
[Note 2: Voltaire, _Siecle de Louis XIV._]
M. Michelet, qu'on ne peut pas accuser d'une admiration exageree pour le
grand siecle, se laissa lui-meme attendrir quand il relata la mort de la
_charmante_ duchesse de Bourgogne. "La cour, dit-il, fut a la lettre comme
assommee d'un coup. Cent cinquante ans apres, on pleure encore en lisant
les pages navrantes ou Saint-Simon a dit son deuil[3]."
[Note 3: Michelet, _Louis XIV et le duc de Bourgogne._]
Duclos a pretendu, sans indiquer la source de ses renseignements, qu'a la
mort de la duchesse de Bourgogne, Mme de Maintenon et le roi trouverent
dans une cassette ayant appartenu a la princesse des papiers qui
arracherent au roi cette exclamation:
"La petite coquine nous trahissait."
D'une telle parole, si invraisemblable dans la bouche de Louis XIV, Duclos
tire consequence d'une correspondance par laquelle la fille de
Victor-Amedee lui aurait livre des secrets d'Etat. C'est la, croyons-nous,
un de ces innombrables anas avec lesquels on ecrit trop souvent
l'histoire. Les archives de Turin n'ont conserve nulle trace de cette
pretendue correspondance, qui n'est ni vraie, ni vraisemblable.
Assurement, la duchesse de Bourgogne n'oubliait pas son pays natal; mais,
depuis ses adieux a la Savoie, elle n'avait plus eu qu'une seule patrie:
la France.
Sans doute, l'Italie peut compter parmi les plus belles perles de son
ecrin ces deux soeurs intelligentes et seduisantes qui toutes deux
moururent si prematurement et laisserent un si touchant souvenir: la
duchesse de Bourgogne et sa soeur la reine d'Espagne, la vaillante
compagne de Philippe V. Mais c'est en France que s'est accomplie presque
toute la destinee de la duchesse de Bourgogne, et c'est dans le chateau de
Versailles que doit figurer son portrait.
Combien de fois en 1871, quand le ministere des Affaires etrangeres etait,
pour ainsi dire, campe au milieu des appartements de la reine, nous
evoquions le souvenir de la charmante princesse, dans cette chambre ou
elle coucha, des son arrivee a Versailles, et ou, seize ans et demi plus
tard, elle rendait le dernier soupir! C'est la qu'a onze ans, enlevee pour
toujours a sa famille, a ses amis, a sa patrie, elle se trouvait seule au
milieu des splendeurs de ce palais inconnu pour elle. C'est la que
l'enfant grandissait, devenait jeune fille, puis jeune femme, et croissait
tous les jours en attraits et en graces. C'est la que, dans le silence de
la nuit, elle croyait
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