trine. Le 28 au matin, il apercoit dans le miroir de sa cheminee
deux domestiques qui versent des larmes.
"Pourquoi pleurez-vous? leur dit-il. Est-ce que vous m'avez cru immortel?"
On lui presente un elixir pour le rappeler a la vie. Il repond, en prenant
le verre:
"A la vie ou a la mort! Tout ce qu'il plaira a Dieu."
Son confesseur lui demande s'il souffre beaucoup. "Eh! non, replique-t-il,
c'est ce qui me fache, je voudrais souffrir davantage pour l'expiation de
mes peches."
Le 29 aout, il lui echappe, en donnant des ordres, d'appeler le dauphin
"le jeune roi". Et comme il se rend compte d'un mouvement dans ce qui est
autour de lui.
"Eh! pourquoi?... s'ecrie-t-il. Cela ne me fait aucune peine."
C'est ce qui fait dire a Massillon: "Ce monarque environne de tant de
gloire, et qui voyait autour de lui tant d'objets capables de reveiller ou
ses desirs ou sa tendresse, ne jette pas meme un oeil de regret sur la
vie.... Qu'on est grand, quand on l'est par la foi!... La vanite n'a
jamais eu que le masque de la grandeur, c'est la grace qui en est la
verite."
Dans la journee du 29 aout, le mourant perd connaissance, et l'on croit
qu'il n'a plus que quelques heures a vivre.
"Vous ne lui etes plus necessaire, dit son confesseur a Mme de Maintenon.
Vous pouvez vous en aller."
Le marechal de Villeroy l'exhorte a ne pas attendre plus longtemps et a se
retirer a Saint-Cyr, ou elle doit se reposer de tant d'emotions. Il envoie
des gardes du roi pour se poster de distance en distance sur la route, et
lui prete son carrosse.
"On peut craindre, lui dit-il, quelque emotion populaire, et le chemin ne
sera peut-etre pas sur." Mme de Maintenon, affaiblie, troublee par l'age
et la douleur, a le tort d'ecouter de si pusillanimes conseils. La
posterite lui reprochera toujours une defaillance indigne de cette femme
de tete et de coeur. Mme de Maintenon devait fermer les yeux au Grand Roi
et prier a cote de son cadavre. Il faut blamer surtout les courtisans qui
lui dictent la resolution de l'egoisme et de la peur. Ah! comme ils sont
abandonnes, "les dieux de chair et de sang, les dieux de terre et de
poussiere," quand ils vont descendre dans la tombe! Quelques valets sont
seuls a les pleurer. La foule est indifferente ou se rejouit. Les
courtisans se tournent du cote du soleil qui se leve. Helas! Quel
contraste entre le trone et le cercueil! La mort d'un homme est toujours
un sujet de reflexions philosophiques. Qu'est-ce
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