nons pour la
defendre", elle decida que "les tombeaux et mausolees des ci-devant rois
seraient detruits le 10 aout suivant." Elle nomma des commissaires charges
de se transporter a Saint-Denis, a l'effet d'y proceder "a l'exhumation
des ci-devant rois et reines, princes et princesses", et ordonna de briser
les cercueils, de fondre et d'envoyer le plomb aux fonderies nationales.
Ce decret odieux fut strictement execute. Rois, reines, princes et
princesses furent arraches a leurs sepulcres. On portait le plomb, a
mesure qu'on le decouvrait, dans un cimetiere ou l'on avait etabli une
fonderie, et l'on jetait les cadavres dans la fosse commune.
Le vandalisme des revolutionnaires et des athees se delectait de ce
spectacle. Assurement, "Dieu, dans l'effusion de sa colere, comme ecrit
Chateaubriand, avait jure par lui-meme de chatier la France. Ne cherchons
pas sur la terre les causes de pareils evenements: elles sont plus haut."
Bientot apres ce fut le tour du cadavre de Mme de Maintenon. En janvier
1794, pendant qu'on travaillait a transformer l'eglise de Saint-Cyr en
salles d'hopital, les ouvriers apercurent au milieu du choeur devaste une
plaque de marbre noir enfouie dans les decombres. C'etait la tombe de Mme
de Maintenon. Ils la briserent, ouvrirent le caveau, en enleverent le
corps, le trainerent dans la cour, en poussant des hurlements sinistres,
et le jeterent, depouille et mutile, dans un trou du cimetiere. Ce
jour-la, l'epouse non reconnue de Louis XIV avait ete traitee en reine!
Ainsi donc, ces illustres heroines de Versailles, la bonne Marie-Therese,
l'habile Maintenon, la melancolique dauphine de Baviere, l'orgueilleuse
princesse Palatine, la seduisante duchesse de Bourgogne, furent
expropriees de leurs tombeaux. Au recit d'une telle rage iconoclaste et
sacrilege, le coeur se serre dans l'angoisse d'une inexprimable tristesse.
A un sentiment de sainte colere contre d'odieuses profanations et contre
de sauvages fureurs se melent des reflexions profondes sur le neant des
choses humaines. Les ombres de ces femmes jadis si adulees nous
apparaissent tour a tour, et, en passant devant nous, chacune d'elles
semble nous dire, comme Fenelon: "Que ne fait-on point pour trouver un
faux bonheur? Quels rebuts, quelles traverses n'endure-t-on point pour un
fantome de gloire mondaine? Quelles peines pour de miserables plaisirs
dont il ne reste que le remords!" Du fond de la poussiere des tombeaux
profanes, l'oeil ebloui
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