donc quand celui qui
meurt s'appelle Louis XIV!
Le 30 aout, le mourant reprend connaissance et redemande Mme de Maintenon.
L'on va la chercher a Saint-Cyr. Elle revient. Le roi la reconnait, lui
dit encore quelques paroles, puis s'assoupit. Le soir, elle descend
l'escalier de marbre, qu'elle ne doit plus remonter, et va s'enfermer a
Saint-Cyr pour toujours.
Le samedi 31 aout, vers 11 heures du soir, on dit a Louis XIV les prieres
des agonisants. Il les recite lui-meme d'une voix plus forte que celle de
tous les assistants, et il parait aussi majestueux sur son lit de mort que
sur le trone. A la fin des prieres, il reconnait le cardinal de Rohan et
lui dit:
"Ce sont les dernieres graces de l'Eglise."
Il repete plusieurs fois: _Nunc et in hora mortis_.
Puis il dit:
"O mon Dieu, venez a mon aide, hatez-vous de me secourir."
Ce sont la ses dernieres paroles. L'agonie commence. Elle dure toute la
nuit, et le lendemain dimanche 1er septembre 1715, a 8 heures un quart du
matin, Louis XIV, age de soixante-dix-sept ans moins trois jours, et roi
depuis soixante-douze ans, rend a Dieu sa grande ame.
On ne termine pas l'etude d'un regne memorable sans un sentiment de
regret. Apres avoir vecu pendant quelque temps de la vie d'un personnage
celebre, on souffre de sa mort et l'on s'attendrit sur sa tombe. Ne
croit-on pas, en lisant Saint-Simon, assister a l'agonie de Louis XIV, et
ne sent-on pas les larmes venir aux yeux, comme si l'on etait mele aux
serviteurs fideles qui pleurent le meilleur des maitres et le plus grand
des rois?
Aussitot que la nouvelle de la mort de Louis XIV fut connue a Saint-Cyr,
Mlle d'Aumale entra dans la chambre de Mme de Maintenon:
"Madame, lui dit-elle, toute la maison est en priere, au choeur."
Mme de Maintenon comprit; elle leva les mains au ciel en pleurant, et se
rendit a l'eglise, ou elle assista a l'office des morts. Puis elle
congedia ses domestiques et se defit de sa voiture, "ne pouvant se
resoudre, disait-elle, a nourrir des chevaux pendant qu'un si grand nombre
de demoiselles etaient dans le besoin." Elle vecut dans son modeste
appartement, au sein d'une paix profonde. Elle se soumettait aux
reglements de la maison, autant que le permettait son age, et ne sortait
que pour aller dans le village, visiter les malades et les pauvres. Quand
Pierre le Grand se rendit a Saint-Cyr, le 10 juin 1717, l'illustre
octogenaire souffrait. Le tsar s'assit au chevet du lit de cette femme
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