lle voulait augmenter les regrets que causerait sa mort
prematuree. La princesse Palatine l'avoue elle-meme: "Ayant, dit-elle,
assez d'esprit pour remarquer ses defauts, la dauphine ne pouvait que
chercher a s'en corriger; c'est ce qu'elle fit en effet, au point
d'exciter l'etonnement general. Elle a continue ainsi jusqu'a la fin."
Mme la vicomtesse de Noailles [1] l'a dit de la maniere la plus touchante:
"L'histoire nous offre de temps a autre des personnages seduisants qui
attachent le lecteur jusqu'a l'affection... Souvent, la Providence les
retire du monde des leur jeunesse, ornes des charmes que le temps enleve
et des esperances qu'elles auraient realisees. La duchesse de Bourgogne
fut une de ces gracieuses apparitions."
[Note 1: _Lettres inedites de la duchesse de Bourgogne_ precedees d'une
courte notice sur sa vie, par Mme la vicomtesse de Noailles. (Un volume de
cinquante pages, imprime a un petit nombre d'exemplaires.)]
Atteinte d'un mal foudroyant, qui etait, parait-il, la rougeole, mais
qu'on attribua au poison, la duchesse fut enlevee en quelques jours au roi
dont elle etait la consolation, a son epoux dont elle etait l'idole, a la
cour dont elle etait l'ornement, a la France dont elle etait l'espoir.
Elle mourut dans les sentiments les plus religieux.
Ce fut a Versailles [1], le vendredi 12 fevrier 1712, entre 8 et 9 heures
du soir, qu'elle rendit le dernier soupir. Deux ans auparavant, presque
jour pour jour, elle avait mis au monde le prince qui devait s'appeler
Louis XV [2]. La douleur de son mari fut telle, qu'il ne put survivre a
une femme tant aimee. Six jours apres, il la suivait au tombeau.
[Note: 1: Salle no 115 de la _Notice du Musee._]
[Note: 2: Louis XV naquit le 15 fevrier 1710.]
"La France, s'ecrie Saint-Simon, tomba enfin sous ce dernier chatiment.
Dieu lui montra un prince qu'elle ne meritait pas. La terre n'en etait pas
digne; il etait mur deja pour la bienheureuse eternite."
Le jour meme de la mort du duc de Bourgogne, Madame ecrivait: "Je suis
tellement ebranlee que je peux pas me remettre, je ne sais presque pas ce
que je dis. Vous qui avez bon coeur, vous aurez certainement pitie de
nous, car la tristesse qui regne ici ne se peut decrire."
Saint-Simon pretend que la douleur causee a Louis XIV par la mort de la
duchesse de Bourgogne fut "la seule veritable qu'il ait jamais eue en sa
vie". Cela n'est pas exact. Le grand roi avait regrette profondement sa
mere, et Madame (la
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