t en France, aussi fine et
aussi politique que lui, affectant pour le roi et Mme de Maintenon une
tendresse qu'elle n'avait point. Pour moi qui ai eu l'honneur de la voir
de pres, j'en juge autrement, et je l'ai vue pleurer de bonne foi sur le
grand age de ces deux personnes qu'elle croyait devoir mourir avant elle,
que je ne puis douter de sa tendresse pour le roi."
Louis XIV, qui connaissait le coeur humain, s'apercevait, avec sa
perspicacite habituelle, que la duchesse de Bourgogne avait pour lui une
affection sincere. C'est a cause de cela que, de son cote, il lui
temoignait un attachement exceptionnel. Semblable a une rose qui
s'epanouit dans un cimetiere, la jeune et seduisante princesse charmait et
consolait les tristes annees du Grand Roi. C'etait le dernier sourire de
la fortune, le dernier rayon du soleil. Mais, helas! la belle rose devait
se fletrir du matin au soir, et, encore quelque temps, tout allait rentrer
dans la nuit.
Depuis 1711, date de la mort de Monseigneur, le duc de Bourgogne etait
dauphin, et Saint-Simon rapporte que la duchesse disait, en parlant des
dames qui s'avisaient de la critiquer:
"Elles auront a compter avec moi, et je serai leur reine."
"Helas! ajoute-t-il, elle le croyait, la charmante princesse, et qui ne
l'eut cru avec elle?"
Et cependant, au dire de la princesse Palatine, elle etait persuadee de sa
fin prochaine. Madame s'exprime ainsi a ce sujet:
"Un savant astrologue de Turin ayant tire l'horoscope de Mme la dauphine,
lui avait predit tout ce qui lui arriverait, et qu'elle mourrait dans sa
vingt-septieme annee. Elle en parlait souvent. Un jour, elle dit a son
epoux:
"Voici le temps qui approche ou je dois mourir. Vous ne pouvez pas rester
sans femme a cause de votre rang et de votre devotion. Dites-moi, je vous
prie, qui epouserez-vous?"
Il repondit:
"J'espere que Dieu ne me punira jamais assez pour vous voir mourir; et si
ce malheur devait m'arriver, je ne me remarierais jamais; car dans huit
jours, je vous suivrais au tombeau..."
"Pendant que la dauphine etait encore en bonne sante, fraiche et gaie,
elle disait souvent: "Il faut bien que je me rejouisse, puisque je ne me
rejouirai pas longtemps, car je mourrai cette annee."
"Je croyais que c'etait une plaisanterie; mais la chose n'a ete que trop
reelle. En tombant malade, elle dit qu'elle n'en rechapperait point."
Plus la dauphine approchait du temps fatal, plus elle s'ameliorait. On
aurait dit qu'e
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