mains royales, leur
porter leur nourriture comme une simple infirmiere, et, lorsque les
medecins lui faisaient, dans l'interet de sa sante, des observations, elle
repondait qu'elle ne pouvait mieux l'employer qu'en servant Jesus-Christ
dans la personne des pauvres.
Malgre le retour de tendresse que lui temoignait le roi, elle continuait a
vivre humblement et modestement, s'occupant de son foyer domestique et non
des affaires de l'Etat. La _Gazette officielle_ ne faisait mention de
cette bonne reine que pour annoncer qu'elle avait rempli a sa paroisse ses
devoirs de devotion, ou qu'elle etait allee passer la journee aux
Carmelites de la rue du Bouloi.
Marie-Therese, heureuse et consolee, se rejouissait aussi de la naissance
de son petit-fils, le duc de Bourgogne. Loin d'eprouver de la jalousie
pour l'influence grandissante de Mme de Maintenon, elle s'en felicitait
comme d'une des causes des sentiments pieux de Louis XIV, et jamais il ne
lui serait venu a l'esprit que bientot, elle disparue, la veuve de
Scarron, l'ancienne gouvernante des enfants de Mme de Montespan, serait la
femme du roi et la reine de France, moins le nom.
IV
MME DE MONTESPAN ET MME DE MAINTENON EN 1682
I
Avant d'examiner Mme de Montespan, au moment ou la cour se fixait a
Versailles, il faut voir ce qu'elle avait ete a l'origine, puis au temps
de ses tristes succes.
Une beaute fiere et opulente, des yeux d'azur remplis d'eclairs, un teint
d'une eclatante blancheur, une foret de cheveux blonds, une de ces figures
qui jettent la lumiere partout ou elles paraissent; un esprit incisif,
caustique, etincelant de verve et d'entrain; une soif inextinguible de
plaisirs et de richesse, de luxe et de domination; des allures de deesse
usurpant audacieusement la place de Junon dans l'Olympe, de l'orgueil
sans dignite, de l'eclat sans poesie, telle avait ete Mme de Montespan au
temps de sa toute-puissance.
Nee en 1641, au chateau de Tonnay-Charente, du duc de Mortemart et de
Diane de Grandseigne, elle avait ete fille d'honneur de la reine en 1660
et mariee en 1663 au marquis de Montespan. Elevee dans le respect de la
religion, rien ne pouvait alors faire prevoir le triste role auquel la
vanite et l'ambition devaient, plus que tout autre sentiment, entrainer sa
jeunesse. C'etait l'epoque de l'enivrement des courtisans et de
l'adulation des peuples. La cour apparaissait comme une espece d'Olympe
monarchique, dont Louis XIV etait le Jupiter.
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