, n'est pas encore assez basse pour la
recevoir; elle voudrait disparaitre tout entiere devant la majeste du Roi
des rois." Son education avait ete austere. La cour de Munich ressemblait
a un couvent. "On s'y levait tous les jours a 6 heures du matin, on y
entendait la messe a 9, on dinait a 10, on assistait aux vepres tous les
jours, et il n'y avait plus personne a 6 heures du soir, heure a laquelle
on soupait, pour se coucher a 7[1]."
[Note 1: _Memoires de Coulanges_.]
La jeune princesse, loin de se laisser eblouir par l'eclat de sa nouvelle
fortune, ne quitta pas sans un profond regret la cour pieuse et
patriarcale ou elle avait passe son enfance. Des qu'elle parut dans sa
nouvelle patrie, elle y produisit pourtant une bonne impression. Elle
n'etait point belle; mais sa grace, ses manieres, sa dignite naturelle, et
plus que cela, son merite, son instruction, sa bonte, lui donnaient du
charme. Une des personnes envoyees a sa rencontre par Louis XIV ecrivait
au roi: "Mme la dauphine n'est pas jolie, sire; mais sauvez le premier
coup d'oeil, et vous en serez fort content." Elle accueillit Bossuet avec
une courtoisie parfaite a Schlestadt: "Je prends part a tout ce que vous
avez enseigne a M. le dauphin, lui dit-elle. Ne refusez pas, je vous prie,
de me donner a moi-meme vos instructions, et soyez assure que je
m'efforcerai d'en profiter."
Le grand eveque fut frappe du savoir de la princesse. Elle avait l'exacte
connaissance des langues vivantes de l'Europe, et meme de la langue de
l'Eglise, qu'on lui avait apprise des son enfance. Bossuet etait sincere
lorsque, trois ans plus tard, il disait d'elle: "Nous l'avons admiree des
qu'elle parut, et le roi a confirme notre jugement [1]." Nomme premier
aumonier de la dauphine, il l'accompagna de Schlestadt a Versailles. Dans
le trajet eut lieu une ceremonie qui contrastait avec les transports de
joie que la princesse rencontrait partout sur sa route, depuis son entree
en France. Le mercredi 6 mars 1680, Bossuet lui mit les cendres sur le
front, dans la chapelle seigneuriale du chateau de Brignicourt-sur-Saulx:
"Femme, lui dit-il, qu'il t'en souvienne; tu fus tiree de la poussiere; il
t'y faudra retourner un jour."
[Note [1]: Bossuet, _Oraison funebre de la reine Marie-Therese_.]
Helas! dix ans apres, la prediction s'accomplira, et la princesse,
assistee a son lit de mort par Bossuet, lui rappellera les solennelles
paroles de ce mercredi des Cendres [2].
[Note [2]: V
|