elle on me
voyait la visiter plusieurs fois chaque jour, malgre l'empressement de mes
plus importantes affaires, n'etait point une loi que je me fusse imposee
par raison d'Etat, mais une marque du plaisir que je prenais en sa
compagnie."
Non, quoi qu'on en puisse dire, l'homme qui a ecrit ces lignes ne manquait
pas de coeur. Nul ne ressentit plus vivement cette incomparable douleur,
ce dechirement qui vous arrache la moitie de votre ame: la perte d'une
mere. Mlle de Montpensier, temoin oculaire de la mort d'Anne d'Autriche,
dit qu'au moment ou elle rendit le dernier soupir, Louis XIV "etouffait,
on lui jetait de l'eau, il etranglait". Il versa toute la nuit des
torrents de larmes.
La mort de la reine Marie-Therese ne lui causa pas de si cruelles
angoisses; mais il n'en temoigna pas moins a cette occasion une tres vive
sensibilite.
"La cour, dit Mme de Caylus, fut en peine de sa douleur. Celle de Mme de
Maintenon, que je voyais de pres, me parut sincere et fondee sur l'estime
et la reconnaissance. Je ne dirai pas la meme chose des larmes de Mme de
Montespan, que je me souviens d'avoir vu entrer chez Mme de Maintenon,
sans que je puisse dire ni pourquoi ni comment. Tout ce que je sais, c'est
qu'elle pleurait beaucoup, et qu'il paraissait un trouble dans toutes ses
actions, fonde sur celui de son esprit, et peut-etre sur la crainte de
retomber entre les mains de monsieur son mari."
Ce fut le 30 juillet 1683 que la reine Marie-Therese mourut, au chateau de
Versailles, dans la chambre a coucher dont nous avons deja eu plusieurs
fois l'occasion de parler[1]. Apres la mort de la reine, cette piece fut
occupee par la dauphine, qui devenait, au point de vue hierarchique, la
femme principale de la cour. Le roi voulut faire du salon de sa
belle-fille le centre le plus brillant de France.
[Note 1: Salle N deg. 115 de la _Notice du Musee de Versailles_.]
"Il allait quelquefois chez elle, suivi de ce qu'il y avait de plus rare
en bijoux et en etoffes dont elle prenait ce qu'elle voulait; le reste
composait plusieurs lots que les filles d'honneur et les dames qui se
trouvaient presentes tiraient au sort, ou bien elles avaient l'honneur de
les jouer avec elle, et meme avec le roi. Pendant que le _hoca_ fut a la
mode, et avant que le roi eut sagement defendu un jeu aussi dangereux, il
le tenait chez Mme la dauphine, mais payait, quand il perdait, autant de
louis que les particuliers mettaient de petites pieces [1]."
[Note
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