es pauvres et faisant l'aumone, malgre la
mediocrite de ses ressources, s'installe de la facon la plus modeste dans
un petit appartement de la rue des Tournelles. C'est la que la capricieuse
fortune va venir la surprendre. Sollicitee par le roi lui-meme, Mme
Scarron accepte l'offre qui lui est faite, en 1679, d'elever les enfants
de Mme de Montespan. Il fallait une femme intelligente, discrete, devouee.
Mme Scarron se consacre courageusement a ce role de mere adoptive. En
1672, elle s'etablit non loin de Vaugirard, dans un grand hotel isole. Mme
de Coulanges ecrit alors a Mme de Sevigne; "Pour Mme Scarron, c'est une
chose etonnante que sa vie. Aucun mortel sans exception n'a de commerce
avec elle." Louis XIV, d'abord prevenu contre la gouvernante qu'il
qualifiait de bel esprit, commence a lui reconnaitre des qualites rares et
porte sa pension de deux mille a six mille livres.
En 1674, elle etait arrivee a Versailles avec ses trois eleves: le duc du
Maine, le comte de Vexin et Mlle de Tours. C'est de la qu'elle ecrivait a
son frere, le 25 juillet: "La vie que l'on mene ici est fort dissipee, et
les jours y passent vite. Tous mes petits princes y sont etablis, et je
crois pour toujours; cela, comme tout autre chose, a son vilain et son bel
endroit."
Des qu'elle a mis le pied a la cour, Mme Scarron s'y est trace un
programme. "Rien de plus habile, dit-elle, qu'une conduite irreprochable."
Mme de Montespan se felicite d'abord d'avoir pres d'elle une personne si
aimable, si spirituelle, de si bonne compagnie; mais cet engouement dure
peu. Les brouilleries, les raccommodements, les petites zizanies,
commencent. C'est une chose curieuse, mais explicable, que la situation
respective de ces deux femmes si spirituelles et si intelligentes,
l'altiere favorite et l'austere gouvernante. Louis XIV disait:
"J'ai plus de peine a mettre la paix entre elles qu'a la retablir en
Turquie."
Toutefois Mme Scarron n'attaque pas, elle se defend; le roi lui rend cette
justice et commence a reconnaitre ses rares merites. A la fin de 1674, il
lui avait donne la terre de Maintenon, et elle s'appelait depuis lors la
marquise de Maintenon. Y a-t-il de sa part les intrigues ourdies
savamment, les hypocrisies raffinees, les calculs machiaveliques que ses
detracteurs lui supposent? Nous ne le croyons pas. Que ses interets se
concilient avec ses devoirs, que la piete qui pour elle est un but
devienne un moyen, en est-elle, completement responsab
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