isbury, voulant depeindre la
presomption de certains docteurs, s'exprime ainsi:
Tout apprenti, des qu'il sait joindre deux parties d'oraison, se tient
et parle comme s'il savait tous les arts[2]; il vous apporte un systeme
nouveau touchant les genres et les especes, un systeme inconnu de Boece,
ignore de Platon, et que par un heureux sort il vient tout fraichement
de decouvrir dans les mysteres d'Aristote; il est pret a vous resoudre
une question sur laquelle le monde en travail a vieilli, pour laquelle
il a ete consume plus de temps que la maison de Cesar n'en a use a
gagner et a regir l'empire du monde, pour laquelle il a ete verse plus
d'argent que n'en a possede Cresus dans toute son opulence. Elle a
retenu en effet si longtemps grand nombre de gens, que, ne cherchant que
cela dans toute leur vie, ils n'ont en fin de compte trouve ni cela
ni autre chose; et c'est peut-etre que leur curiosite ne s'est pas
contentee de ce qui pouvait etre trouve; car de meme que dans l'ombre
d'un corps quelconque la substance corporelle se cherche vainement,
ainsi dans les intelligibles qui peuvent etre compris universellement,
mais non exister universellement, la substance d'une solide existence ne
saurait etre rencontree. User sa vie en de telles recherches, c'est le
fait d'un homme oisif et qui travaille a vide. Purs nuages de choses
fugitives, plus on les poursuit avidement, plus rapidement ils
s'evanouissent; les auteurs expedient la question de diverses manieres,
avec divers langages, et quand ils se sont differemment servis des mots,
ils semblent avoir trouve des opinions differentes; c'est ainsi qu'ils
ont laisse ample matiere a disputer aux gens querelleurs...."
[Note 1: _Ab. Op._, ep. i, p. 6.]
[Note 2: Ces deux lignes sont dans le texte deux vers dont Jean dit
qu'il ne se rappelle pas l'auteur:
Gartio (sic) quisque duas postquam scit jungere partes,
Sic stat, sic loquitur velut omnes noverit artes.
_Policrat._, lib. VII, c. XII.--Voyez aussi Buddeus, _Observ. select._,
XIX, t. VI, p. 161 et 163.]
Ainsi parlait un ecrivain qui faisait profession d'etre de l'Academie,
c'est-a-dire de douter un peu, et de s'en tenir aux choses probables,
tout en se donnant pour fermement attache au grand Aristote, qu'il
regardait comme l'auteur de la science du probabilisme, sans doute pour
avoir defini le raisonnement dialectique le raisonnement probable[3].
Jean de Salisbury n'estimait guere la question ni les systemes qu'ell
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