pourtant inaccessible aux sens. L'ame est aussi le
nom d'un de ces etres dont l'existence individuelle peut etre concue et
affirmee, quoique aucune sensation ne la manifeste. Le monde n'est pas
non plus une idee abstraite, ni un genre, ni une espece, c'est un tout
reel et meme individuel qui n'est que concu, et dont le nom exprime une
idee beaucoup plus large que le souvenir d'aucune sensation.
Il suit que les idees des choses non sensibles peuvent se diviser ainsi:
1 deg. Idees d'etres determines et substantiels, inaccessibles aux sens,
_Dieu, une ame_, etc. 2 deg. Idees de choses inaccessibles aux sens, mais
qui ne sont pas aussi necessairement concues comme des substances,
_force, cause, nature, essence_, etc. 3 deg. Idees de touts dont quelques
parties ou quelques proprietes seulement sont accessibles aux sens, _le
ciel, l'espace, le monde_, etc. 4 deg. Idees de collections ou de touts
partiels dont les elements individuels ne sont pas tous percus, le plus
grand nombre en etant seulement concu, _regne inorganique, systeme des
plantes_, etc. 5 deg. Idees des collections fondees sur une essence commune
ou plutot idees d'essences generiques ou speciales; c'est proprement
l'idee de genre et d'espece. 6 deg. Idees de qualites ou modes plus ou
moins voisins ou eloignes des attributs essentiels; ce sont les idees
abstraites proprement dites.
Toutes ces idees, que la grammaire appelle indistinctement abstraites,
sont dans le langage et dans l'esprit humain. Y sont-elles toutes au
meme titre? Doivent-elles etre rangees sous le meme nom et sous la meme
loi?
Quelques philosophes l'ont pense; mais leur autorite n'est pas grande.
Le sensualisme a toujours incline vers cette erreur; l'ideologie pure
y tend. Cependant tous les sectateurs eclaires de l'ideologie ou du
sensualisme s'en sont jusqu'a un certain point preserves. Celui qu'on
leur donne habituellement pour chef, bien qu'il ne puisse etre confondu
avec eux, Aristote, n'a nie ou meconnu aucune classe d'idees de choses
non sensibles. Il les admet et les emploie toutes; mais il ne les range
pas toutes sur la meme ligne. Seulement, ne reconnaissant d'existence
que l'existence determinee, il semble avoir refuse la realite aux objets
propres et directs des idees qui ne sont pas individuelles. Mais ces
idees en elles-memes, il les a tenues pour reelles, pour vraies, pour
valables, et les conceptions pures de l'esprit humain n'ont nulle part
joue un plus grand role que dans
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