e, puisqu'il s'y
est joue le premier, en plusieurs endroits, sur les affaires de sa
famille, et qui regardoient ce qui se passoit dans son domestique; c'est
ce que ses plus particuliers amis ont remarque bien des fois." Ainsi, au
troisieme acte du _Bourgeois Gentilhomme_, Moliere a donne un portrait
ressemblant de sa femme; ainsi, dans la scene premiere de _l'Impromptu
de Versailles_, il place un trait piquant sur la date de son mariage;
ainsi, dans la cinquieme scene du second acte de _l'Avare_, il se raille
lui-meme sur sa fluxion et sa toux; ainsi encore, dans l'_Avare_, il
accommode au role de La Fleche la marche boiteuse de Bejart aine, comme
il avait attribue au Jodelet des _Precieuses_ la paleur de visage
du comedien Brecourt. Il est infiniment probable qu'il a songe dans
Arnolphe, dans Alceste, a son age, a sa situation, a sa jalousie, et
que sous le travestissement d'Argan il donne cours a son antipathie
personnelle contre la Faculte. Mais une distinction essentielle est a
faire, et l'on ne saurait trop la mediter parce qu'elle touche au fond
meme du genie dramatique. Les traits precedents ne portent que sur des
conformites assez vagues et generales ou sur de tres-simples details, et
en realite aucun des personnages de Moliere n'est _lui_. La plupart meme
de ces traits tout a l'heure indiques ne doivent etre pris que pour des
artifices et de menus a-propos de l'acteur excellent, ou pour quelqu'une
de ces confusions passageres entre l'acteur et le personnage, familieres
aux comiques de tous les temps et qui aident au rire. Il n'en faut
pas dire moins de ces pretendues copies que Moliere aurait faites de
certains originaux. Alceste serait le portrait de M. de Montausier, le
Bourgeois Gentilhomme celui de Rohault, l'Avare celui du president de
Bercy; que sais-je? ici c'est le comte de Grammont, la le duc de La
Feuillade, qui fait les frais de la piece. Les Dangeau, les Tallemant,
les Guy Patin, les Cizeron-Rival, ces amateurs d'_ana_, donnent
la-dedans avec un zele ingenu et nous tiennent au courant de leurs
decouvertes anecdotiques sans nombre; tout cela est futile. Non, Alceste
n'est pas plus M. de Montausier qu'il n'est Moliere, qu'il n'est
Despreaux, dont il reproduit egalement quelque trait. Non, le chasseur
meme des _Facheux_ n'est pas tout uniment M. de Soyecourt, et Trissotin
n'est l'abbe Cotin qu'un moment. Les personnages de Moliere, en un
mot, ne sont pas des copies, mais des creations. Je crois a ce que
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