bienvenue
au renouveau, des traits ca et la d'observation naive. Le _Roman de
Renart_ en est plein, qui sont d'avance du pur La Fontaine. Ils ont
regarde la nature, et ils la rendent par instants. Ils vous diront d'un
blanc manteau, qu'il est _plus blanc que neige sur gelee_; et d'une
chatelaine, qu'_elle eut plus blanc col et poitrine que fleur de lis
ni fleur d'epine_; mais ce sont la des traits et non pas un tableau.
J'excepterai pourtant la seconde partie du _Roman de la Rose_, fort
differente de la premiere, laquelle est simplement galante et gracieuse.
Cette seconde partie, au contraire, renferme tout un systeme sur la
nature qui sent deja la philosophie alchimique du XIVe siecle, et qui
va, en certains moments de verve, jusqu'a une sorte d'orgie sacree. M.
Ampere, dans son cours, a rapproche le sermon du grand-pretre Genius,
des doctrines pantheistiques avec lesquelles il a plus d'un rapport.
Cette maniere d'entendre la nature, la bonne nature, _cette chambriere
de Dieu_, comme elle se qualifie (veritable _chambriere_ en effet _d'un
Dieu des bonnes gens_), a eu, depuis Jean de Meun, sa continuation par
Rabelais, Regnier, La Fontaine lui-meme, Chaulieu. Parny etait de cette
filiation directe, quand il s'ecriait:
Et l'on n'est point coupable en suivant la nature.
Mais cette facon d'envisager la nature, dont le discours du grand-pretre
Genius est demeure l'expression la plus philosophique en notre
litterature, a plutot abouti a des conclusions relachees de morale et
a une poesie de plaisir; il n'en est sorti aucune grande peinture
naturelle. Au XVIe siecle, Marot, et apres lui Ronsard, Belleau, etc,
ont eu, comme les trouveres, mainte gracieuse description de printemps,
d'avril et de mai, maint petit cadre riant a de fugitives pensees; mais
toujours pas de peinture. Ces jolis cadres ont meme disparu, pour
ainsi dire, avec l'avenement de la poesie de Malherbe. Pour se sauver
peut-etre de Du Bartas, qui se montrait descriptif a l'exces, Malherbe
ne fut pas du tout pittoresque; on glanerait chez lui les deux ou trois
vers ou il y a des traits de la nature: les vers sur la jeune fille
comparee a la rose, et le debut d'une piece _Aux Manes de Damon_, qui
exprime admirablement, il est vrai, la verte etendue des prairies de
Normandie:
L'Orne, comme autrefois, nous reverroit encore,
Ravis de ces pensers que le vulgaire ignore,
Egarer a l'ecart nos pas et nos discours,
_Et couches sur les fleurs, comme etoi
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