out plein de _Theagene et
Chariclee_, ne voyait rien de plus agreable au coeur et aux yeux
(comme cela est en effet) que le vallon de Port-Royal-des-Champs, les
religieuses et les solitaires s'en faisaient un lieu desert, sauvage,
melancolique, propre a donner de l'horreur aux sens; ils n'avaient pas
meme la pensee de se promener dans les jardins. Lancelot nous raconte
comment plusieurs des solitaires, refugies pendant la persecution de
1639 a la Ferte-Milon, se promenaient chaque soir sur les hauteurs
environnantes en disant leur chapelet; mais il est bien plus sensible a
la bonne odeur que ces messieurs repandent autour d'eux, qu'a celle qui
s'exhale des buissons du chemin et des arbres de la montagne. Quand
Racine fils, plus tard, dans son _Poeme de la Religion_, a fait de si
tendres peintures des instincts et de la couyee des oiseaux, il se
ressouvenait plus de Fenelon que des pures doctrines de Saint-Cyran.
[Note 52: M. Villemain, dans ses deux excellentes lecons sur
Bernardin de Saint-Pierre, a trop bien developpe cette ressemblance
connue tant d'autres heureuses analogies, pour que nous n'y courions pas
rapidement, de peur de trop longue rencontre.]
Pour comprendre et pour aimer la nature, il ne faut pas etre tendu
constamment vers le bien ou le mal du dedans, sans cesse occupe du
salut, de la regle, du retranchement. Ceux qui se font de cette terre
des especes de limbes grises et froides, qui n'y voient que redoutable
crepuscule et qu'exil, ceux-la peuvent y passer et en sortir sans meme
s'apercevoir, comme Philoctete au moment du depart, que les fontaines
etaient douces dans cette Lemnos si longtemps amere.
Bien qu'aucune doctrine philosophique ou religieuse (excepte celles qui
mortifient absolument et retranchent) ne soit contraire au sentiment et
a l'amour de la nature; bien qu'on ait dans ce grand temple, d'ou Zenon,
Calvin et Saint-Cyran s'excluent d'eux-memes, beaucoup d'adorateurs de
tous bords, Platon, Lucrece, saint Basile du fond de son ermitage du
Pont, Luther du fond de son jardin de Wittemberg ou de Zeilsdorf,
Fenelon, le Vicaire Savoyard et Oberman, il est vrai de dire que la
premiere condition de ce culte de la nature parait etre une certaine
facilite, un certain abandon confiant vers elle, de la croire bonne ou
du moins pacifiee desormais et epuree, de la croire salutaire et divine,
ou du moins voisine de Dieu dans les inspirations qu'elle exhale,
legitime dans ses amours, sacree dans ses hy
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