les semees_,
Rendre en si doux ebats les heures consumees,
Que les soleils nous seroient courts.
On glanerait egalement chez Boileau le petit nombre de vers qui peuvent
passer pour des traits de peinture naturelle; on ne trouverait guere que
l'Epitre a M. de Lamoignon, dans laquelle s'apercoivent _ces noyers,
souvent du passant insultes_, accompagnes de quelques frais details,
encore plus ingenieux que champetres. En glanant chez Jean-Baptiste
Rousseau, on n'aurait, je le crois bien, que les vers a son _jeune et
tendre Arbrisseau_. Corneille et Moliere n'offrent nulle part rien
de pittoresque en ce genre. La Bruyere a quelques lignes de parfaite
esquisse, comme lorsqu'il nous montre la jolie _petite ville_ dont il
approche, _dans un jour si favorable qu'elle lui parait peinte sur
le penchant de la colline_. Madame de Sevigne sentait la nature a sa
maniere, et la peignait au passage, en charmantes couleurs, quoique
ayant une predilection decidee pour la conversation et pour la societe
mondaine. Mais La Fontaine, apres Racan, La Fontaine surtout la sentit,
l'aima, la peignit, et en fit son bien. Aucun prejuge du monde, aucune
habitude factice, aucun dogme restrictif, n'arreterent, dans son essor,
sa sensibilite naturelle, et il s'y abandonna. Fenelon, grace a son
optimisme heureux, a son catholicisme indulgent, ne craignit pas non
plus de se livrer a cette sensibilite pieuse qui lui faisait adorer
la Providence a chaque pas dans la creation. Son gout des anciens l'y
aidait aussi; Virgile ou Orphee, tenant le rameau d'or, le guidaient
dans les Dodones ou dans les Tempes. Fenelon et La Fontaine, ce sont les
deux ancetres cheris de Bernardin de Saint-Pierre au XVIIe siecle[52].
Racine l'eut ete de meme s'il avait plus ose s'abandonner a cette
admiration reveuse qu'il ressentait, jeune ecolier, en s'egarant dans
les prairies et le desert de Port-Royal, et qui lui inspirait au declin
de sa vie cette _aimable peinture_ des fleurs d'_Esther_. Mais les idees
de gout qu'on se formait alors allaient a faire envisager comme sauvage
et barbare tout ce qui, en pittoresque, etait l'oppose de la culture
savante et reguliere de Versailles. Et surtout l'idee religieuse et
austere, que fomentait le jansenisme, allait a ne voir partout au dehors
qu'occasion d'exercice et de mortification pour l'ame, et a obscurcir, a
fausser, pour ainsi dire, le spectacle naturel dans les plus engageantes
solitudes. Tandis que Racine enfant, l'esprit t
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