e vous l'entendiez, est perdue pour un peu de temps. Le
peuple veut faire un nouvel essai de monarchie mitigee: il le fera a
ses depens, et cela l'instruira mieux que tous nos efforts. Pendant ce
temps-la, nous reprendrons des forces dans le calme, nous apprendrons la
patience dans les moyens, les partis s'epureront et l'ecume se separera
de la lie. Enfin, la nation murira, car elle est moitie verte et moitie
pourrie... Et peut-etre que, dans cet intervalle, nous aurons les seuls
moments de bonheur que vous et moi aurons connus dans notre vie. Il nous
sera permis de respirer, et l'air de mes champs, l'affection et les
soins de ma famille vous feront une nouvelle sante et une nouvelle
vie...
Laissez-moi faire ce reve. Il me console et me soutient dans l'epreuve
que vous subissez.
Adieu. L'ami, l'ami qui vous porte ma lettre, essayera de vous voir.
S'il ne le peut, il essayera de vous la faire tenir et de me rapporter
un mot de vous. Mon fils vous embrasse tendrement et nous vous aimons.
GEORGE.
CCXC
A JOSEPH MAZZINI, A LONDRES
Nohant, 22 novembre 1848.
Mon ami,
Je vous croyais rentre en Italie, je ne savais ou vous prendre; cette
energique proclamation de vous, que j'ai lue dans les journaux,
n'indiquait point ou vous etiez. Vous avez une existence difficile a
suivre materiellement, et le coeur seul s'attache a vos pas, au milieu
de mille anxietes douloureuses.
Comment pouviez-vous croire que vous m'aviez fachee? Est-ce jamais
possible? Non, non, je ne le crois pas. Vous me gronderiez bien fort que
je baisserais la tete, reconnaissant que vous en avez le droit et le
devoir. Mais, bien loin de la, votre avant-derniere lettre etait pleine
de tendresse et de douceur comme toutes les autres, et vous ne songiez
qu'a me consoler et a m'encourager. Quand je ne vous ecris pas, dans
le doute de votre situation, c'est par une crainte instinctive de
vous compromettre si vous vous trouviez dans des circonstances plus
perilleuses que de coutume. Tenez-moi donc toujours au courant, ne
fut-ce que par un mot. De mon cote, je vous ecrirai un mot seulement
pour vous dire que je pense a vous, quand je craindrai que ma pensee sur
les evenements ne vous arrive mal a propos. Mais vous le savez bien, que
je pense a vous sans cesse, et, pour ainsi dire, a toute heure. Votre
souvenir n'est-il pas lie a toutes mes pensees sur le present et
l'avenir de l'humanite? N'etes-vous pas un de ces
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