are bonheur que ma vocation
inspirat de la confiance a ma famille. Je sentais le besoin de voir et
de comprendre la vie generale. Mon pere reconnut que notre paisible
milieu et notre vie patriarcale constituaient un horizon bien court. Il
eut la foi. Il mit la bride sur le cou du cheval impatient. Ma mere
pleura; mais elle me cacha ses larmes, et je partis: helas! pour quels
ecueils de la vie morale!
J'avais ete eleve en partie a Bruxelles, en partie a Paris, sous les
yeux d'un frere de mon pere, Antonin Valigny, chimiste distingue, mort
jeune encore, lorsque je finissais mes classes au college Saint-Louis.
Je n'eprouvais aucune curiosite pour les modernes foyers de
civilisation, j'avais soif de poesie et de pittoresque. Je voulais voir,
en Suisse d'abord, les grands monuments de la nature; en Italie ensuite,
les grands monuments de l'art.
Ma premiere et presque ma seule visite a Geneve fut pour un ami de mon
pere dont le fils avait ete, a Paris, mon compagnon d'etudes et mon ami
de coeur; mais les adolescents s'ecrivent peu. Henri Obernay fut le
premier a negliger notre correspondance. Je suivis le mauvais exemple.
Lorsque je le cherchai dans sa patrie, il y avait deja des annees que
nous ne nous ecrivions plus. Il est donc probable que je ne l'eusse pas
beaucoup cherche, si mon pere, en me disant adieu, ne m'eut pas
recommande avec une grande insistance de renouer mes relations avec lui.
M. Obernay pere, professeur es sciences a Geneve, etait un homme d'un
vrai merite. Son fils avait annonce devoir tenir de lui. Sa famille
etait chere a la mienne. Enfin ma mere desirait savoir si la petite
Adelaide etait toujours aimable et jolie. Je devinai quelque projet ou
du moins quelque souhait d'alliance, et, bien que je ne fusse nullement
dispose a commencer par la fin le roman de ma jeunesse, la curiosite
aidant un peu le devoir, je me presentai chez le professeur es sciences.
Je n'y trouvai pas Henri; mais ses parents m'accueillirent presque comme
si j'eusse ete son frere. Ils me retinrent a diner et me forcerent de
loger chez eux. C'etait dans cette partie de Geneve appelee la vieille
ville, qui avait encore a cette epoque tant de physionomie. Separee par
le Rhone et de la cite catholique, et du monde nouveau, et des
caravanserails de touristes, la ville de Calvin etageait sur la colline
ses demeures austeres et ses etroits jardins, ombrages de grands murs et
de charmilles taillees. La, point de bruit, pas de curieux,
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