che et belle; mais elle
est dans l'age ou l'on peut se refaire!
Henri Obernay etait parti en tournee de naturaliste avec un ami de la
famille. Il explorait en ce moment la region du mont Rose. On me montra
une lettre de lui toute recente, ou il decrivait avec tant
d'enthousiasme les sites ou il se trouvait, que je me decidai a aller
l'y rejoindre. Deja familiarise avec les montagnes et parlant tous les
patois de la frontiere, il me serait un guide excellent, et sa mere
assurait qu'il allait etre heureux d'avoir a diriger mes premieres
excursions. Il ne m'avait pas oublie, il avait toujours parle de moi
avec la plus tendre affection. Madame Obernay me connaissait comme si
elle ne m'eut jamais perdu de vue. Elle savait mes penchants, mon
caractere, et se rappelait mes fantaisies d'enfant, qu'elle me racontait
a moi-meme avec une bonhomie charmante. En voyant qu'Henri m'avait fait
aimer, je jugeai avec raison qu'il m'aimait reellement, et mon ancien
attachement pour lui se reveilla. Apres vingt-quatre heures passees a
Geneve, je me renseignai sur le lieu ou j'avais bonne chance de le
rencontrer, et je partis pour le mont Rose.
C'est ici, lecteur, qu'il ne faut pas me suivre un guide a la main. Je
donnerai aux localites que je me rappelle les premiers noms qui me
viendront a l'esprit. Ce n'est point un voyage que je t'ai promis, c'est
une histoire d'amour.
A la base des montagnes, du cote de la Suisse, s'abrite un petit
village, les Chalets-Saint-Pierre, que j'appellerai Saint-Pierre tout
court. C'est la que je trouvai Henri Obernay. Il y etait installe pour
une huitaine, son compagnon de voyage voulant explorer les glaciers. La
maison de bois dont ils s'etaient empares etait grande, pittoresque, et
d'une proprete rejouissante. On m'y fit place, car c'etait une espece
d'auberge pour les touristes. Je vois encore les paysages grandioses qui
se deroulaient sous les yeux, de toutes les faces de la galerie
exterieure, placee au couronnement de ce beau chalet. Un enorme banc de
rochers preservait le hameau du vent d'est et des avalanches. Ce rempart
naturel formait comme le piedestal d'une montagne toute nue, mais verte
comme une emeraude et couverte de troupeaux. Du bas de la maison partait
une prairie en fleurs qui s'abaissait rapidement vers le lit d'un
torrent plein de bruit et de colere, et dans lequel se deversaient de
fieres et folles cascatelles tombant des rochers qui nous faisaient
face. Ces rochers, au sommet de
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