ise. Par suite de l'une des proprietes de la langue de Flaubert, de
n'employer par idee qu'une expression, un seul vocable represente chaque
fonction grammaticale et s'unit aux autres selon ses rapports, sans
appositions, sans membres de phrase intercalaires, sans ajouture meme
soudee par un qui ou une conjonction. Chaque proposition ordinairement
courte se compose des elements syntactiques indispensables, est
construite selon un type permanent, soutenue par une armature
preetablie, dans laquelle s'encastrent successivement d'innombrables
mots, signes d'innombrables idees, formulees d'une facon precise et
belle, en une diction definitive. Cette parite grammaticale est le
principal lien entre les oeuvres diverses de Flaubert. Sous les
differences de langue et de sujet, unissant des formes tantot lyriques,
tantot vulgaires, les rapports de mots sont semblables de _Madame
Bovary_ a la _Tentation_, et constituent des phrases analogues associees
en deux types de periode.
Le plus ordinaire, qui est determine par la concision meme du style,
l'unicite des mots et la consertion de la phrase, est une periode a un
seul membre, dans laquelle la proposition presentant d'un coup une
vision, un etat d'ame, une pensee ou un fait, les pose d'une facon
complete et juste, de sorte qu'elle n'a nul besoin d'etre liee a
d'autres et subsiste detachee du contexte. Ainsi de chacune des phrases
suivantes:
"Les Barbares, le lendemain, traverserent une campagne toute couverte de
cultures. Les metairies des patriciens se succedaient sur le bord de la
route; des rigoles coulaient dans des bois de palmiers; les oliviers
faisaient de longues lignes vertes; des vapeurs roses flottaient dans
les gorges des collines; des montagnes bleues se dressaient par
derriere. Un vent chaud soufflait. Des cameleons rampaient sur les
feuilles larges des cactus."
De la presence chez Flaubert de cette periode statique et discrete,
decoulent l'emploi habituel du preterit pour les actes et de l'imparfait
pour les etats; de la encore l'apparence sculpturale de ses descriptions
ou les aspects semblent tous immobiles et places a un plan egal comme
les sections d'une frise.
Ce type de periode alterne avec une coupe plus rare dans laquelle les
propositions se succedent liees. Aux endroits eclatants de ses oeuvres,
dans les scenes douces ou superbes, quand le paragraphe lentement
echafaude va se terminer par une idee grandiose ou une cadence sonore,
Flaubert, usant d'
|