t percu, il arrive, quand
il s'efforce de demeler les mobiles des actes et les phases des
passions, a une extraordinaire penetration, qui est le resultat de sa
connaissance des modeles qu'il a pris, et de son application a rester
dans le domaine du naturel et de l'explicable. Sa science des causes qui
produisent les grands traits du caractere est merveilleuse, comme le
montrent les antecedents parfaitement calcules d'Emma et de Charles
Bovary, la vague adolescence de Frederic Moreau. Puis ces caracteres
jetes dans l'existence, soumis a ses heurts et consommant leurs
recreations, evoluent au gre des evenements et de leur nature, avec
toute l'unite et les inconsequences de la vie veritable, tantot nobles,
decus et victimes comme Mme Bovary, tantot perpetuant a travers des
fortunes diverses leur permanente impuissance comme Frederic Moreau,
tantot sages et victorieux comme Mme Arnoux. Et dans ces existences;
dont les menus faits decelent perpetuellement en Flaubert une si
profonde perception des mobiles, de leur complication, de la
dissimulation des plus puissants, de toute la vie inconsciente qui rend
chacun different de ce qu'il se croit et de ce qu'on le croit etre,
Flaubert est parvenu a distinguer et a rendre le trait le plus
difficile: la lente transformation que le temps impose a ceux qu'il
detruit. Seul, avec les plus grands des psychologues russes, il saisit
les personnes successives qui apparaissent tour a tour au-dehors et au
dedans de chaque individu. Que l'on observe combien Mme Bovary est
parfaitement, aux premiers chapitres, la jeune femme soucieuse
d'interieur et reconnaissante de l'independance que le mariage lui
assure; puis l'inquietude croissante de toute sa personne ardemment
vitale, et son chaste amour pour un jeune homme frequentant sa maison,
prelude coutumier des adulteres plus consommes. Et combien est nouvelle
celle qui se livre avec une grace presque mure a son aime, et comme on
la sent, a travers ses cris de jeune maitresse, la femme de maison, etre
deja responsable et denue d'enfantillages. Puis les epreuves viennent,
sa chair se durcit en de plus fermes contours et, par le revirement
habituel, il lui faut un plus jeune amant, pour lequel elle est en effet
la maitresse, la femme chez qui de despotiques ardeurs precedent les
attitudes maternelles, que coupent encore les coups de folie d'une
creature sentant le temps et la joie lui echapper, jusqu'a ce qu'elle
consomme virilement un suicide, en f
|