mature; ou bien au milieu des etoiles tu ressembles a un pasteur qui
garde son troupeau. Luisante et ronde tu froles la cime des monts comme
la roue d'un char."
Et cet autre passage d'une mesure plus alanguie:
"Il n'eprouvait pas a ses cotes ce ravissement de tout son etre qui
l'emportait vers Mme Arnoux, ni le desordre gai ou l'avait mis d'abord
Rosanette. Mais il la convoitait comme une chose anormale et difficile,
parce qu'elle etait noble, parce qu'elle etait riche, parce qu'elle
etait devote,--se figurant qu'elle avait des delicatesses de sentiment,
rares comme ses dentelles, avec des amulettes sur la peau et des pudeurs
dans la depravation."
C'est ainsi, par des expansions et des contractions alternees, moderant,
contenant et precipitant le flux des syllabes, que Flaubert declame la
longue musique de son oeuvre, en cadences mesurees. Et chacun de ses
groupes de breves et de longues est si bien pour lui une unite discrete
et comme une strophe, qu'il reserve, pour les clore, ses mots les plus
retentissants, les images sensuelles et les artifices les plus adroits.
C'est ainsi que frequemment, a defaut d'un vocable nombreux, il modifie
par une virgule la prononciation d'un mot indifferent, contraignant a
l'articuler tout en longues:
"Ca et la un phallus de pierre se dressait, et de grands cerfs erraient
tranquillement, poussant de leurs pieds fourchus des pommes de pin,
tombees."
Joints enfin par des transitions ou malhabiles ou concises et trouvees,
telles que peut les inventer un ecrivain embarrasse du lien de ses
idees, les paragraphes se suivent en laches chapitres qu'agrege une
composition ou simple et droite comme dans les recits epiques, ou
diffuse et lache comme dans les romans. _L'Education sentimentale_
notamment, ou Flaubert tache d'enfermer dans une serie lineaire les
evenements lointains et simultanes de la vie passionnelle de Frederic
Moreau et de tout son temps, presente l'exemple d'un livre incoherent et
enorme.
Ainsi, d'une facon marquee dans les oeuvres ou le style est plus libre
des choses, moins nettement dans les romans, chaque livre de Flaubert se
resout en chapitres dissocies, que constituent des paragraphes
autonomes, formes de phrases que relie seul le rhythme et qu'assimile la
syntaxe. Ces elements libres, de moins en moins ordonnes, ne sont
assembles que par leur identite formelle et par la suite du sujet, comme
sont continus une mosaique, un tissu, les cellules d'un organe, ou
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