du domestique:
Depuis un mois, son maitre semblait agite. Il avait recu
beaucoup de lettres, brulees a mesure.
[25]Souvent, prenant une cravache, dans une colere qui
semblait de la demence, il avait frappe avec fureur cette
main sechee, scellee au mur et enlevee, on ne sait comment,
a l'heure meme du crime.
Il se couchait fort tard et s'enfermait avec soin. Il
[30]avait toujours des armes a portee du bras. Souvent, la
nuit, il parlait haut, comme s'il se fut querelle avec quelqu'un.
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Cette nuit-la, par hasard, il n'avait fait aucun bruit, et
c'est seulement en venant ouvrir les fenetres que le serviteur
avait trouve sir John assassine. Il ne soupconnait
personne.
[5]Je communiquai ce que je savais du mort aux magistrats
et aux officiers de la force publique, et on fit dans toute
l'ile une enquete minutieuse. On ne decouvrit rien.
Or, une nuit, trois mois apres le crime, j'eus un affreux
cauchemar. Il me sembla que je voyais la main, l'horrible
[10]main, courir comme un scorpion ou comme une araignee le
long de mes rideaux et de mes murs. Trois fois, je me reveillai,
trois fois je me rendormis, trois fois je revis le
hideux debris galoper autour de ma chambre en remuant
les doigts comme des pattes.
[15]Le lendemain, on me l'apporta, trouve dans le cimetiere,
sur la tombe de sir John Rowell, enterre la; car on
n'avait pu decouvrir sa famille. L'index manquait.
Voila, mesdames, mon histoire.. Je ne sais rien de plus.
Les femmes, eperdues, etaient pales, frissonnantes.
[20]Une d'elles s'ecria:
--Mais ce n'est pas un denouement cela, ni une explication!
Nous n'allons pas dormir si vous ne nous dites
pas ce qui s'etait passe, selon vous.
Le magistrat sourit avec severite:
[25]--Oh! moi, mesdames, je vais gater, certes, vos reves
terribles. Je pense tout simplement que le legitime proprietaire
de la main n'etait pas mort, qu'il est venu la
chercher avec celle qui lui restait. Mais je n'ai pu savoir
comment il a fait, par exemple. C'est la une sorte de
[30]vendetta.
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Une des femmes murmura:
--Non, ca ne doit pas etre ainsi.
Et le juge d'instruction, souriant toujours, conclut:
--Je vous avais bien dit que mon explication ne vous
[5]irait pas.
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UNE VENDETTA
La veuve de Paolo Saverini habitait seule avec son fils
une petite maison pauvre sur les remparts de Bonifacio.
La ville, batie sur une avancee de la montagne, suspendue
meme par places au-de
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