us grand temoignage d'admiration est mele d'amertume. S'il est des
coeurs orgueilleux et forts a qui la louange suffit, et que le triomphe
console, le mien n'est pas de ce nombre, je l'ai trop cruellement
eprouve. Helas! la gloire m'a ravi le coeur de mon amant; que l'humilite
me rende du moins quelques amis!
Ce n'etait pas ainsi que l'entendait le Porpora. En eloignant Consuelo
de Venise, en la soustrayant aux dangers et aux dechirements de sa
passion, il n'avait songe qu'a lui procurer quelques jours de repos
avant de la rappeler sur la scene des ambitions, et de la lancer de
nouveau dans les orages de la vie d'artiste. Il ne connaissait pas bien
son eleve. Il la croyait plus femme, c'est-a-dire, plus mobile qu'elle
ne l'etait. En songeant a elle dans ce moment-la, il ne se la
representait pas calme, affectueuse, et occupee des autres, comme elle
avait deja la force de l'etre. Il la croyait noyee dans les pleurs et
devoree de regrets. Mais il pensait qu'une grande reaction devait
bientot s'operer en elle, et qu'il la retrouverait guerie de son amour,
ardente a reprendre l'exercice de sa force et les privileges de son
genie.
Ce sentiment interieur si pur et si religieux que Consuelo venait de
concevoir de son role dans la famille de Rudolstadt, repandit, des ce
premier jour, une sainte serenite sur ses paroles, sur ses actions, et
sur son visage. Qui l'eut vue naguere resplendissante d'amour et de joie
au soleil de Venise, n'eut pas compris aisement comment elle pouvait
etre tout a coup tranquille et affectueuse au milieu d'inconnus, au fond
des sombres forets, avec son amour fletri dans le passe et ruine dans
l'avenir. C'est que la bonte trouve la force, la ou l'orgueil ne
rencontrerait que le desespoir. Consuelo fut belle ce soir-la, d'une
beaute qui ne s'etait pas encore manifestee en elle. Ce n'etait plus ni
l'engourdissement d'une grande nature qui s'ignore elle-meme et qui
attend son reveil, ni l'epanouissement d'une puissance qui prend l'essor
avec surprise et ravissement. Ce n'etait donc plus ni la beaute voilee
et incomprehensible de la _scolare zingarella_, ni la beaute splendide
et saisissante de la cantatrice couronnee; c'etait le charme penetrant
et suave de la femme pure et recueillie qui se connait elle-meme et se
gouverne par la saintete de sa propre impulsion.
Ses vieux hotes, simples et affectueux, n'eurent pas besoin d'autre
lumiere que celle de leur genereux instinct pour aspirer, si je puis
a
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