que tu m'as dit tout bas: Cette
figure de pierre m'a fait vraiment peur!
--Moi, je t'ai dit cela? reprit Boccaferri stupefait, je ne m'en
souviens pas. Je te voyais sans te voir; je n'avais pas ma tete. Oui,
j'ai eu reellement peur. Je suis content, notre essai reussit, mes
enfants; voila que l'emotion nous gagne. Pour moi, c'est deja fait; et
quand vous en serez tous la, vous serez tous de grands artistes!...
--Mais, vieux fou, dit Celio en souriant, si ce n'etait pas Salvator qui
faisait la statue, qui etait-ce donc? Tu ne te le demandes pas?
--Au fait, qui etait-ce? Qui diable a fait cette statue?
Et Boccaferri se leva tout effraye en promenant des yeux hagards autour
de lui.
--Le bonhomme est tres-impressionnable, me dit Stella; il ne faudrait
pas pousser plus loin l'epreuve. Nommez-vous avant de vous montrer.
X.
OTTAVIO.
--Maitre Boccaferri! criai-je en ouvrant doucement le rideau,
reconnaissez-vous la voix du Commandeur?
--Oui, pardieu! je reconnais cette voix, repondit-il; mais je ne puis
dire a qui elle appartient. Mille diables! il y a ici ou un revenant, ou
un intrus; qu'est-ce que cela signifie, enfants?
--Cela signifie, mon pere, dit Ottavio en se retournant et en me
montrant enfin les traits purs et nobles de la Cecilia, que nous avons
ici un bon acteur et un bon ami de plus. Elle vint a moi en me tendant
la main. Je m'elancai d'un bond dans l'emplacement de l'orchestre;
je saisis sa main que je baisai a plusieurs reprises, et j'embrassai
ensuite le vieux Boccaferri qui me tendait les bras. C'etait la premiere
fois que je songeais a lui donner cette accolade, dont la seule idee
m'eut cause du degout deux mois auparavant. Il est vrai que c'etait la
premiere fois que je ne le trouvais pas ivre, ou sentant la vieille pipe
et le vin nouveau.
Celio m'embrassa aussi avec plus d'effusion veritable que je ne l'y
eusse cru dispose. La douleur de son _fiasco_ semblait s'etre effacee,
et, avec elle, l'amertume de son langage et de sa physionomie. "Ami,
me dit-il, je veux te presenter a tout ce que j'aime. Tu vois ici les
quatre enfants de la Floriani, mes soeurs Stella et Beatrice, et mon
jeune frere Salvator, le Benjamin de la famille, un bon enfant bien gai,
qui palissait dans l'etude d'un homme de loi, et qui a quitte ce noir
metier de scribe, il y a deux jours, pour venir se faire artiste a
l'ecole de notre pere adoptif, Boccaferri. Nous sommes ici pour tout le
reste de l'hiver sans b
|