it a Benjamin (que cet homme
n'avait jamais vu) de s'approcher de lui, et de lui demander si son
voiturin etait disponible pour Milan.--Je vais a Milan, en effet,
repondit-il, mais je ne puis prendre personne.--Qui donc conduisez-vous?
dit l'enfant; ne pourrais-je m'arranger avec votre voyageur pour
aller avec lui?--Non, c'est un peintre. Il voyage seul.--Comment
s'appelle-t-il? peut-etre que je le connais?--Ce voiturin a dit ton
nom: c'est tout ce que nous voulions savoir. On nous avait dit que la
duchesse etait retournee a Milan. Cecilia palit, sous pretexte qu'elle
avait froid; puis, comme j'en faisais l'observation a demi-voix, elle se
mit a sourire avec cet air de souveraine mansuetude qui lui est propre.
Elle approcha de ta fenetre en me disant:--Tu vas voir que je vais lui
adresser un adieu bien amical et par consequent bien desinteresse. C'est
alors qu'elle chanta ce maudit _Vedrai carino_ qui t'a arrache aux
griffes de Satan. Allons, il y a dans tout cela une fatalite! Je crois
qu'elle t'aime, bien que ce soit fort difficile a constater chez une
personne toujours maitresse d'elle-meme, et si habituee a l'abnegation
qu'on peut a peine deviner si elle souffre en se sacrifiant. A l'heure
qu'il est, elle ne sait plus rien de toi, et je confesse que je n'ai pas
eu le courage de lui dire que tu as renonce a la duchesse et que tu lui
dois ton salut. Je me suis engage a ne pas te nuire; mais ce serait
pousser l'heroisme au-dela de mes facultes que d'aller faire la cour
pour toi. Seulement je te devais la verite, la voila tout entiere. Reste
donc ou parle; attends et espere, ou agis et eclaire-toi. De toute
facon, tu es dans ton droit, et personne ne peut te supposer amoureux
des millions, puisque, ce matin encore, tu ne voulais pas comprendre que
le marquis de Balma etait le pere Boccaferri.
--Bon et grand Celio, m'ecriai-je, comment te remercier! Je ne sais plus
que faire. Il me semble que tu aimes Cecilia autant que moi, et que tu
es plus digne d'elle. Non, je ne puis lui parler. Je veux qu'elle ait le
temps de te connaitre et de t'apprecier sous la face nouvelle que ton
caractere a prise depuis quelque temps. Il faut qu'elle nous examine,
qu'elle nous compare et qu'elle juge. Il m'a semble parfois qu'elle
t'aimait, et peut-etre que c'est toi qu'elle aime! Pourquoi nous hater
de savoir notre sort? Qui sait si, a l'heure qu'il est, elle-meme n'est
pas indecise? Attendons.
--Oui, c'est vrai, dit Celio, nous risquons
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