presente a _M. le marquis_.
Quelques pas plus loin, nous rencontrames Stella et Benjamin, qui
m'accablerent des memes questions; la cloche du dejeuner sonna a grand
bruit, et la belle Hecate, qui etait fort nerveuse, accompagna d'un long
hurlement ce signal du dejeuner. Le marquis et sa fille vinrent les
derniers, sereins et bienveillants comme des gens qui viennent de faire
leur devoir. Je vis la combien Cecilia etait adoree des jeunes filles et
quel respect elle inspirait a toute la famille. Je ne pouvais m'empecher
de la contempler, et meme, quand je ne la regardais ou ne l'ecoutais
pas, je voyais tous ses mouvements, j'entendais toutes ses paroles. Elle
agissait et parlait peu cependant; mais elle etait attentive a tout ce
qui pouvait etre utile ou agreable a ses amis. On eut dit qu'elle avait
eu toute sa vie deux cent mille livres de rentes, tant elle etait aisee
et tranquille dans son opulence, et l'on voyait qu'elle ne jouirait de
rien pour elle-meme, tant elle restait devouee au moindre besoin, au
moindre desir des autres.
On ne parla point de comedie pendant la dejeuner. Pas un mot ne fut dit
devant les domestiques qui put leur faire soupconner quelque chose a cet
egard. Ce n'est pas que de temps en temps Beatrice, qui n'avait autre
chose en tete, n'essayat de parler de la precedente et de la prochaine
soiree; mais Stella, qui etait toujours a ses cotes et qui s'etait
habituee a etre pour elle comme une jeune mere, la tenait en bride.
Quand le repas fut termine, le marquis prit le bras de sa fille et
sortit.
--Ils vont, pendant deux heures, s'occuper d'un autre genre d'affaires,
me dit Celio. Ils donnent cette partie de la journee aux besoins des
gens qui les environnent; ils ecoutent les demandes des pauvres, les
reclamations des fermiers, les invitations de la commune. Ils voient
le cure ou l'adjoint; ils ordonnent des travaux, ils donnent meme des
consultations a des malades; enfin, ils font leurs devoirs de chatelains
avec autant de conscience et de regularite que possible. Stella et
Beatrice sont chargees de veiller, a l'interieur, sur le detail de la
maison; moi, ordinairement, je lis ou fais de la musique, et, depuis que
mon frere est ici, je lui donne des lecons; mais, pour aujourd'hui, il
ira s'exercer tout seul au billard. Je veux causer avec vous.
Il m'emmena dans le jardin, et la, me serrant la main avec effusion:--Ta
tristesse me fait mal, dit-il, et je ne saurais la voir plus longtemps.
Ecou
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