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nces je suis arrive a tenir dans mes mains la source du beau et du vrai. Je ne me fais point illusion; je ne suis bon que pour le conseil. Je ne suis pas cependant un _professeur de profession_. J'ai la certitude qu'on ne fait rien avec rien, et que l'enseignement n'est utile qu'aux etres richement doues par la nature. J'ai le bonheur de n'avoir ici que des eleves de genie, qui pourraient fort bien se passer de moi; mais je sais que je leur abregerai des lenteurs, que je les preserverai de certains ecarts, et que j'adoucirai les supplices que l'intelligence leur prepare. Je manie deja l'ame de Stella, je tate plus delicatement Salvator et Beatrice, et, quant a Celio, qu'il reponde si je ne lui ai pas fait decouvrir en lui-meme des ressources qu'il ignorait. --Oui, c'est la verite, dit Celio, tu m'as appris a me connaitre. Tu m'as rendu l'orgueil en me guerissant de la vanite. Il me semble que, chaque jour, ta fille et toi vous faites de moi un autre homme. Je me croyais envieux, brutal, vindicatif, impitoyable: j'allais devenir mechant parce que j'aspirais a l'etre; mais vous m'avez gueri de cette dangereuse folie, vous m'avez fait mettre la main sur mon propre coeur. Je ne l'eusse pas fait en vue de la morale, je l'ai fait en vue de l'art, et j'ai decouvert que c'est de la (et en parlant ainsi Celio frappa sa poitrine) que doit sortir le talent. J'etais vivement emu; j'ecoutais Celio avec attendrissement; je regardais le marquis de Balma avec admiration. C'etait un autre homme que celui que j'avais connu; ses traits meme etaient changes. Etait-ce la ce vieux ivrogne trebuchant dans les escaliers du theatre, accostant les gens pour les assommer de ses theories vagues et prolixes, assaisonnees d'une insupportable odeur de rhum et de tabac? Je voyais en face de moi un homme bien conserve, droit, propre, d'une belle et noble figure, l'oeil etincelant de genie, la barbe bien faite, la main blanche et soignee. Avec son linge magnifique et sa robe de chambre de velours doublee de martre, il me faisait l'effet d'un prince donnant audience a ses amis, ou, mieux que cela, de Voltaire a Ferney; mais non, c'etait mieux encore que Voltaire, car il avait le sourire paternel et le coeur plein de tendresse et de naivete. Tant il est vrai que le bonheur est necessaire a l'homme, que la misere degrade l'artiste, et qu'il faut un miracle pour qu'il n'y perde pas la conscience de sa propre dignite! --Maintenant, mes amis, nous dit le
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